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Critique de Pecosa


Pecosa
07 septembre 2022
Quel plaisir de lire un roman d'Ed Lady dans une traduction qui ne fut pas massacrée par la Série Noire. Les Editions du Canoë proposent Traquenoir , anciennement À corps et à crimes-Room to swing, avec une préface!- , publié en 1957, par le très singulier Léonard Zinberg (1911-1968), romancier juif, communiste, militant des Droits civiques, marié à une afro-américaine, vivant à Harlem, victime du maccarthysme, qui fut contraint de changer de nom pour signer ses oeuvres.

La particularité de Zinberg/Lacy est d'écrire des romans noirs avec des personnages afro-américains qui ne soient ni des stéréotypes, ni des caricatures. Dans Traquenoir, Toussaint Marcus Moore (prénom choisi par son père en hommage à Louverture), est un vétéran de la seconde guerre mondiale (comme Lacy), qui roule en Jaguar de 1948, est détective privé à Harlem, mais qui a défaut d'enquêtes passionnantes verse plutôt dans le recouvrement de dettes contractées par de pauvres gens, Il est amoureux de Sybil, une ravissante jeune femme si claire « qu'elle aurait pu facilement passer ».
Engagé pour retrouver la trace d'un redneck dans le cadre d'un projet d'émission de télé-réalité "C'est vous le détective !"qui propose aux spectateurs de devenir des indics, il tombe dans un traquenard, est injustement soupçonné de meurtre et doit partir pour Bingston, un petit village à la frontière du Kentucky, où les rares noirs rasent les murs.

Roman policier de facture classique, Traquenoir mêle habilement suspens et critique sociale. J'avais déjà grandement apprécié à la lecture de Blanc et Noir (Série Noire mettant en scène Lee Hayes), le fait que Lacy ne donne pas dans certains travers de la Blacksploitation, ou de polars mettant en scène des privés, avec hyper virilité/ sexualité / violence du héros, et que sa prose soit si juste. Lacy est un homme d'une grande lucidité, qui par petites touches dresse un tableau réaliste, déplaisant et tout en nuance de la société américaine de la fin des années 50, à travers les afro-américains et les blancs pauvres des villes et des champs, ou de l'intelligentsia blanche de Manhattan.

Lacy est un visionnaire qui en 57 déjà a une idée très claire de la télévision poubelle : « On a mis sur pied une participation de spectateurs: deux boites de produits achetées donnent droit à un insigne et quelques babioles. Si un détenteur de l'insigne envoie une information qui permet d'aboutir à une arrestation, on la transmet à la police, il double sa récompense. ». Il excelle aussi dans la description du quotidien compliqué de Moore, harcelé par sa petite amie qui souhaite le voir devenir postier, un vrai travail!, (comme Lacy pendant quelques années), et qui est, lorsqu'il enquête, immédiatement considéré comme suspect à cause de son attitude et de son gabarit (1,88 mètre et 120 kilos). Pour lui, le fait de quitter Harlem pour un autre quartier ou une autre ville est une aventure pas toujours plaisante.
On a qu'une envie, lire l'ouvrage qu'a consacré le traducteur Roger Martin à ce romancier pionnier, Ed Lacy : Un inconnu nommé Len Zinberg, et de trouver le deuxième roman qui met en scène Toussaint Marcus Moore, Moment of Untruth.
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