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Citations sur 3 : Une aspiration au dehors (24)

"La relation amicale n'existe réellement qu'à condition que l'ami se pense comme être disponible à l'autre. C'est une relation structurée par la possibilité permanente de l’interruption si l'autre en a besoin."
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Nous ne devons jamais, comme dit Adorno, confondre ce que nous sommes et ce que la société a fait de nous. Nous ne sommes pas de toute éternité ce que nous avons été amenés à devenir.
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Combien épousent à 30 ans une vie qu'ils s'étaient promis à 20 ans ne jamais avoir – se marient, ont des enfants, s'installent dans un pavillon individuel...
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Je dirais qu’il y a dans l’affect propre à l’amitié le désir de s’augmenter, d’apprendre, d’envisager d’autres projets – l’aspiration à une sorte d’éducation permanente de soi au sens que donne à ce mot la tradition du perfectionnisme moral, à l’opposé donc de l’approche naïve de l’amitié comme espace désintéressé où chacun aime en l’autre un autre soi-même ou ses pures vertus, qui traverse toute la pensée depuis Cicéron.
Au point que l’on pourrait presque être amené à se demander si, d’un point de vue sociologique, l’amitié ne pourrait pas être comparée pour la vie d’adulte au rôle que remplit l’École pour la vie d’enfant – le lieu possible de la transformation du sujet et du devenir autre ?
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L'amitié est une forme de vie que l’on pourrait désigner comme purement existentialiste : elle se réduit aux pratiques qui la créent et la recréent chaque jour, elle n’existe qu’à travers la série d’actes qui la font exister. Sans un souci quotidien de l’ami, l’amitié disparaît.
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Le projet d'élaborer une civilisation libertaire ne doit donc pas seulement cibler l'organisation capitaliste de l'économie. Il doit aussi défaire l'organisation instituée des modes d'existence et les effets de répression, de limitation et de souffrance qu'ils produisent.
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[ Le piège familial ]

L’inscription de soi dans la parentalité traditionnelle produit presque systématiquement une orientation de l’investissement psychique vers le foyer et le privé, que l’on ne saurait nommer autrement que comme un repli et une restriction. La sociologie a largement mis en évidence l’existence d’une modification brutale des liens que les individus entretiennent au cours de leur vie à la suite du mariage et de la naissance du premier enfant. « Un homme âgé de 18 à 35 ans sort en compagnie d’un tiers en moyenne 212 fois par an. S’il se marie, il ne sort plus que 58 fois par an avant 35 ans, 36 fois entre 36 et 60 ans. » C’est tout l’univers mental qui bascule avec le basculement de soi dans la vie familiale – une sorte de grand renfermement, d’appauvrissement du tissu relationnel dont on peut se demander s’il n’est pas également nécessairement lié à une modification profonde du rapport à la vie et au dehors et donc aussi à la politique.

On peut étendre l’analyse que Bourdieu consacre à la maison individuelle dans Les Structures sociales de l’économie à la structure familiale et au mode de vie qu’elle emporte. Cet ouvrage est consacré à la question du marché de la maison individuelle, mais Bourdieu le conclut d’une manière quasi prophétique – en prophète de malheur – en soulevant la question des fantasmes sociaux qui se trouvent au principe de l’attachement d’une grande quantité de ménages à posséder voire à faire construire leur propre maison et sur les conséquences psycho-politiques de telles aspirations. Tout ce qu’écrit Bourdieu de l’achat de la maison vaut ici strictement pour l’entrée dans la vie parentale.

L’achat d’une maison est un acte dans lequel se trouve engagé « tout le plan d’une vie et d’un style de vie ». Bourdieu écrit ainsi que la maison individuelle fonctionne en fait comme un « piège » :

Elle tend peu à peu à devenir le lieu d’une fixation de tous les investissements : ceux qui sont impliqués dans le travail – matériel et psychologique – qui est nécessaire pour l’assumer dans sa réalité si souvent éloignée des anticipations ; ceux qu’elle suscite à travers le sentiment de la possession, qui détermine une domestication des aspirations et des projets, désormais bornés à la frontière du seuil, et enfermés dans l’ordre du privé – par opposition aux projets collectifs de la lutte politique par exemple, qui devaient toujours être conquis contre la tentation du repli sur l’univers domestique.

La cellule familiale doit être perçue pour ce qu’elle est : une entité solidaire d’une définition de soi qui s’articule à une idéologie politique : elle engendre une existence centrée sur « l’éducation des enfants » et le « culte de la vie domestique » et incarne le lieu d’une sorte « d’égoïsme collectif ».
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Le concept d'amitié créatrice est consubstantiellement lié à son articulation à l'idée de dehors, de sortie, de rencontre quand celui d'amour et de couple sont liés à celle d'enfermement et de dedans. Ce qui fait que, d'un point de vue existentiel et culturel, on pourrait se demander si l'on a raison de toujours imaginer qu'il faille rapprocher l'amitié de l'amour pour en faire l'éloge, ou que l'amitié serait d'autant plus haute et pure qu'elle ressemblerait à l'amour. Ne serait-il pas plus intéressant d'essayer au contraire d'amicaliser l'amour – de vivre les relations amoureuses sur le modèle de l'amitié ?
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[ L’amitié comme lieu d’une avant-garde : l’exemple de Manet ]

Notre culture n’a-t‑elle pas tort d’associer la figure du créateur à la solitude ? Et s’il fallait au contraire la lier à l’amitié ? L’amitié pourrait apparaître comme un dispositif de subjectivation qui donne une possibilité concrète de maintenir une certaine extériorité par rapport aux champs culturels institués, de conquérir une relative autonomie par rapport aux injonctions qui s’adressent à tout producteur de biens symboliques, en termes de thématiques, de modes d’écriture, de formes.

Entre 1998 et 2000, Pierre Bourdieu a consacré deux années de cours au Collège de France à Édouard Manet et à la révolution symbolique qu’il a opérée. […]

Bourdieu soulève le problème de ce qu’il appelle la « solitude de l’hérésiarque ». Lorsque quelqu’un décide de rompre ou est de fait conduit à rompre avec les attentes du champ dans lequel il est inscrit, il doit a priori accepter, pour un temps du moins, de se retrouver seul et isolé. Il défie les lois de la reconnaissance et de la sociabilité telles qu’elles fonctionnent dans son champ, il promeut une nouvelle norme de production qui n’est pas encore acceptée comme telle, et il se retrouve donc, mécaniquement, mis à l’écart de tout. Bourdieu dit de Manet qu’il a dû « sauter dans le vide ». Et que, sociologiquement, le problème qui se pose est de savoir comment il est parvenu à « ne pas devenir fou », à tenir « sous une avalanche de violences, d’insultes de mises en questions ».

Prendre de la distance avec les formes instituées de la production et de la circulation des œuvres suppose nécessairement une forme de confiance en soi. Même s’il est insulté, ignoré, rejeté, l’hérétique doit se persuader qu’il n’est pas un artiste raté, mais un artiste maudit. Il doit se donner le droit de dire à l’institution, tout en étant isolé et attaqué : c’est moi qui ai raison, c’est moi qui vous le dit. Un acte hérétique suppose une capacité à défier les lois de la reconnaissance sociale, à se défaire au moins provisoirement de la force de leurs verdicts pour persévérer dans son être malgré l’absence de signe mondain d’élection.

C’est la raison pour laquelle une avant-garde est toujours collective. Celui qui veut rompre avec le nomos du champ auquel il appartient (la définition académique de la peinture dans le cas de Manet) va nécessairement, au moins dans un premier temps, se couper de l’institution et de ses espaces de sociabilité. Il doit donc trouver du soutien ailleurs, à travers son inscription dans d’autres cercles. Il doit non seulement créer son œuvre, mais créer aussi son propre espace de soutien. Et Bourdieu insiste sur le rôle fondamental qu’ont joué pour Manet les quelques amis fidèles autour de lui qui l’assuraient de sa valeur et l’encourageaient (Zola ou Mallarmé par exemple) et des lieux alternatifs de sociabilité, d’exposition et de vente à l’Académie, comme les salons.

[…] Plutôt qu’être appréhendés comme des contre-espaces de la reconnaissance, les cercles amicaux ne devraient-ils donc pas être vus comme des espaces qui font exister une autre éthique de la création, fondée sur les notions d’affirmation et d’autonomie, et qui tentent de donner la possibilité de vivre au-delà de la reconnaissance ?
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[Le faux anti-conformisme des amitiés étudiantes ]

Dans un texte sur la vie des étudiants, Walter Benjamin avance d’ailleurs que la construction de la jeunesse autour de l’amitié, de la sortie, de l’excès, etc., ne doit finalement pas être vue comme une rupture, même temporaire, avec la vie qu’il appelle improprement le mode de vie « bourgeois » – puisqu’on retrouve cette dynamique dans toutes les classes. Si l’on adopte un point de vue global, ce moment représente la mise en scène d’une parenthèse : la transgression étudiante comme phase, qui n’existe comme telle que parce qu’elle est appréhendée comme provisoire : « Ayant vendu son âme à la bourgeoisie, métier et mariage compris, on s’accroche fermement à ces quelques années de franchises bourgeoises. » Autrement dit, la vie étudiante n’est pas invention. Elle est négation de la vie adulte, et cette négation contient déjà en elle sa propre négation, elle est structurée par l’anticipation de son renoncement – raison pour laquelle les parents de la petite ou de la grande bourgeoisie contrôlent finalement très peu les excès de leurs enfants, voire les encouragent, car ils savent qu’au fond ces excès attestent un conformisme à ce qui est attendu d’eux à cet âge de la vie, qui lui-même préfigure leur conformisme à ce qui sera attendu d’eux plus tard.
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