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Critique de ISK


Quel drôle de roman.
À ne pas savoir par où commencer. Ce titre que j'ai du mal à qualifier de polar est une énorme surprise, et des meilleures.
Polar, sans doute, puisqu'après tout il débute sur une mort mystérieuse et met en scène un inspecteur de police de Wilmslow qui ne se satisfait pas de l'évidence du suicide du mathématicien homosexuel Alan Turing dans les années 50. Un drôle de roman historique de ce Suédois qui raconte comme un Russe une histoire bien anglaise…
Surprise donc, d'abord par cet éclatement des genres et des tons. Parce que si les ficelles du polar sont bien là, le traitement que lui réserve Lagercrantz est très intellectuel et transcende le genre. Amateurs de frissons et d'action s'abstenir, il s'agit d'un ouvrage hautement littéraire, polymorphe et contemplatif, qui réfléchit plus qu'il n'avance –et quelle réflexion : mathématiques, philosophie, théorie littéraire, communisme, intelligence artificielle, poésie, l'ouvrage survole paradoxes scientifiques et remises en cause morales et académiques sur fond d'espionnage et d'évolution des moeurs sociales et sexuelles post-Seconde Guerre Mondiale, sans lourdeurs mais avec finesse.
Surprise également par la qualité de l'écriture et de la narration, avec une langue ciselée, précise, et des personnages très nuancés. Deux figures majeures, le mort et le vivant, le personnage historique et le personnage de roman, le premier qui se dessine petit à petit, fantasque, imprudent, génial, le second étonnamment humain dans sa petitesse, ses failles, sa vanité, sa faiblesse, pas de héros, pas d'antihéros non plus, tous deux tour à tour attendrissants, agaçants, pathétiques ou furieusement antipathiques. Des personnages secondaires qui ne manquent pas non plus de substance, jamais bâclés ni convenus.
Surprise enfin par la cohérence entre la forme et le fond du roman, et par les mille petits échos et clins d'oeil littéraires qui le parsèment, par sa pudeur et son intelligence, et par cet auteur que je découvre et qui ne prend le lecteur de polar ni pour un imbécile ni pour un paresseux. La fin toutefois, même si satisfaisante, est à mon sens un peu « facile », et un peu expédiée après la montée en puissance et l'exigence du reste du roman. Mais elle ne gâche rien, et "boucle la boucle" si l'on a été attentif aux premières pages de cet ovni...
Bref, il y aurait beaucoup à dire de ce polar littéraire comme on aimerait en dénicher plus souvent. Lisez-le.
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