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Critique de kielosa



Le présent ouvrage et le second cahier du Centre Alberto-Benveniste, paru en janvier 2007. Ce Centre pour les études et la culture sépharades avec siège au 4, rue Valette à Paris 05, a été créé au sein de la Section des Sciences religieuses de la Sorbonne, en 2002. La créatrice et directrice actuelle en est le professeur et sénatrice Esther Benbassa, qui a assuré un bref avant-propos de l'ouvrage "L'histoire et la presse".

Il s'agit du travail de toute une équipe sous la coordination de Stéphanie Laithier et Hélène Guillon, toutes les 2 agrégées d'histoire et basé sur un colloque spécifique qui s'est tenu en mai 2006. L'objectif principal consiste à oeuvrer "à ce que ni l'histoire des Juifs, ni l'histoire des Sépharades ne soient coupées de l'histoire générale..."

Peut-être brièvement un mot d'explication sur le terme Sépharade. Ce nom est réservé aux Juifs expulsés d'Espagne en 1492 par les rois catholiques au moment de la "Reconquista". En Hébreu médiéval "Sefarad" désignait la péninsule ibérique. En fait, les Sépharades regroupent les Juifs non-Ashkénazes, ceux donc originaires de l'Europe centrale et de l'est. Beaucoup sont passés par l'Afrique du Nord et la Turquie. Après Israël, c'est la France qui compte le plus grand nombre de Sépharades (entre 300.000 à 400.000), plus que les États-Unis.
"Sépharade" est aussi le titre d'un ouvrage d'une Sépharade talentueuse et populaire : Eliette Abecassis.

La presse, "reflet des conditions sociales, culturelles et politiques d'une période et d'un espace donnés" est devenue une source essentielle dont dispose l'historien pour comprendre certaines sociétés spécifiques et les évolutions qu'elles traversent. "La Gazeta de Amsterdam" - publiée en Espagnol pendant 25 ans - permet de mieux comprendre par exemple la vie des marchands sépharades au XVIIe siècle, à savoir l'époque du grand Spinoza (1632-1677), qui y a habité. "Le Journal de Salonique", qui a été publié de 1895 à 1911 permet de mieux comprendre la communauté juive de cette ville ottomane importante, même si la publicité occupait un quart ou plus de chaque numéro. Que les machines à coudre Singer y sont vantées n'est peut-être pas tellement révélateur pour l'historien, mais la pub des annonceurs locaux, leurs produits et conditions de vente, en revanche, nous apprennent étonnamment beaucoup.

Une publication intéressante aux historiens a été le "Bulletin de la Société Impériale Orthodoxe de Palestine", lancé en 1886, visant à organiser des pèlerinages de croyants russes en Terre sainte. Comme le remarque Elena Astafieva à la page 130 ce sont en fait les pèlerinages de pénitence, mis sur pied par les catholiques français "qui servent de contre-exemple" aux responsables de la Société russe de Palestine. Apparemment, à Saint-Pétersbourg on est choqué que le programme français prévoit des spectacles, donnés par les élèves arabes des écoles catholiques en l'honneur des pèlerins de France sur des sujets qui n'ont rien de biblique, tels la romance "Le petit polisson" et le dialogue "Une chatte et deux souris". L'objectif principal est la mobilisation de la "Sainte Russie ... contre le prosélytisme des Latins violant la conscience orthodoxe". L'examen de cette publication révèle les méthodes et mécanismes de la propagande russe dans cette partie du globe. Sûrement un sujet obligatoire pour les futurs officiers du KGB, comme un certain Vladimir Poutine.

Un chapitre fascinant par Anne Christophe est consacré au problème de la construction d'une mémoire visuelle de la Première Guerre mondiale, plus précisément les dessins de presse parus dans "L'Humanité" et "Le Journal". Dans ce dernier quotidien il y a eu, le 2 novembre 1922, un dessin assez marrant de l'affichiste Francisque Poulbot (1879-1946) sur lequel on voit 3 gosses heureux et comme légende : "On s'est bien amusés hier, on a été au cimetière et au cinéma ".

Le Cahier s'attaque aussi à des questions plus épineuses, comme notamment la déclaration du général de Gaulle de novembre 1967 sur Israël, qui remet en question, selon "Le Monde", l'identité des Juifs de France et Stéphanie Laithier analyse l'article de "Libération" sur la guerre israélo-arabe d'octobre 1973.

Dans une brève synthèse de 5 pages et demi, les auteurs concluent que la presse "constitue une source précieuse pour l'historien, un outil indispensable lui permettant de cerner les contours d'une société à un moment donné de l'histoire" (page 211).
Vu le succès de ce colloque, il fut décidé d'en organiser un autre sur la question de l'histoire des minorités et de son intégration dans l'histoire.

Ce serait intéressant de lire les analyses de ces experts hautement compétents sur la presse alternative, celle du "fake news" ou de l' infox, genre Breitbart, qui occupe de plus en plus de place, ainsi que la manie des tweets, souvent mensongers d'ailleurs, de politiques comme ceux du dénommé Donald Trump. L'homme qui considère toute information qui ne vante pas son intelligence et sa beauté systématiquement de "fake", tout en étant en même temps le plus grand producteur de mensonges. Heureusement pour lui qu'aux États-Unis le ridicule ne tue pas. Comment interpréter autrement ses tweets xénophobes récents à l'encontre de 4 élues démocrates, issues de minorités ?
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