Quatre aveux pour un seul crime

Vivre chacune à un bout du pays, grandir et se lasser des week-ends entre filles, mener des carrières très prenantes… tout cela ronge l’amitié. Whitney jubilerait-elle de la retrouver ? Sans doute pas. Ce n’était pas son genre. Elle resterait polie et réservée et lui offrirait la même compassion discrète que le jour où, à la fac, elle avait obtenu une meilleure note que Kate lors d’un examen. Cela ne s’était produit qu’une fois – un devoir d’histoire débile, en plus. Whitney avait décroché un A et Kate avait découvert avec fureur un B + inscrit à l’encre rouge sur sa copie. Kate n’avait toujours rendu que des devoirs parfaits, et il n’y avait pas de raison que cela change.

C’étaient surtout les mots qu’employait Max qui la faisaient enrager. Ils avaient fait l’amour, pas « baisé » ! Ils vivaient une relation amoureuse entre adultes. La nuit précédente, Kate avait là encore tenté d’insister sur le côté romantique, avec du vin, des bougies et un massage.

On était d’accord pour oublier tout ça quelques mois après l’échec de la dernière fécondation in vitro. Plus de courbes de température, plus de médicaments, plus de tests de grossesse. Ça va trop loin, Kate… Ça nous rend dingues. Ça nous pourrit la vie.

Kate glissa les mains sous le luxueux tissu et se caressa le cou en papillonnant des cils. Elle poursuivit entre les seins, puis sur ses abdos clairement visibles (grâce à Marvin, le coach personnel formidable et hors de prix qui s’occupait d’elle cinq matins par semaine), et enfin entre ses cuisses.

Le sourire de Kate se fissura lorsque celui-ci apparut sur le pas de la porte, l’air glacial. Elle se reprit aussitôt, étant une professionnelle dans l’art de masquer ses émotions – associée depuis l’année précédente au sein du cabinet William & Brooks, jamais elle n’aurait accompli cette prouesse sans cet entraînement quotidien.

Ils firent l’amour dans les toilettes, Emily un pied calé contre le lavabo pendant que Henry enchaînait les coups de boutoir en elle. Il l’a regardait de ses yeux verts tandis qu’elle gémissait son prénom dans son cou. Il l’empoignait avec brutalité, et ils menaient un rythme d’enfer, baisant comme des ados, savourant le goût du whisky et du champagne et humant une eau de Cologne fraîche et épicée mêlée à l’odeur du désodorisant bas de gamme de l’avion.

Le confort des bras d’un homme, le pouvoir de séduction d’un parfait inconnu ne sachant rien d’elle mais capable de lui faire tout oublier le temps d’une minute… Leurs lèvres entrèrent en contact, comme une mise à l’épreuve, tout en douceur.

Il n’est pas bien difficile d’en déduire que vous vous êtes vous aussi fait avoir en acceptant d’assister au mariage DeBleu/Banks. J’en serai également, et j’imagine qu’il ne doit pas y avoir une multitude de fiestas d’une semaine prévues ces jours-ci en Californie.

C’était peut-être un mensonge. Peut-être Emily avait-elle surtout envie de jouer les voyeuses. D’apercevoir la vie de son ex-meilleure amie et de s’émerveiller sur son mariage, aussi épanoui que rassurant. De la voir gaga de ses trois angelots parfaits. De voir de ses propres yeux ce que la vie avait donné à Ginger et de s’assurer – d’être absolument certaine – qu’elle appréciait tout ce dont elle jouissait. Même si Ginger et elle n’étaient pas amies sur Facebook, Emily avait pu y voir sa photo de profil, qui la représentait avec sa famille heureuse et pleine de vie.

Elles avaient bu du lait de poule alcoolisé et braillé des chants de Noël à pleins poumons, jusqu’au moment où le responsable de la résidence universitaire avait frappé à leur porte, avec en main un document concernant le tapage nocturne, que Ginger avait également réduit en confettis.