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Critique de DETHYREPatricia


#Prixdesauteursinconnus2022
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#PAI2022
OUVRAGE SÉLECTIONNÉ DANS LE CADRE DU PRIX DES AUTEURS INCONNUS 2022 – Catégorie LITTÉRATURE BLANCHE dont je suis l'un des jurés.

Grande lectrice de romans et thrillers historiques (mon genre de prédilection), j'avais hâte de faire connaissance avec cette « Confrérie de l'échelle » prometteuse – qui n'était pas encore créée au chapitre 1 lu à l'occasion des présélections, mais qui était évoquée dans le résumé de la 4e de couverture – au point d'avoir donné à l'extrait présenté la note de 8 sur 10. J'ai donc été satisfaite de voir ce roman compter parmi les cinq ouvrages retenus pour la sélection finale, ce qui me donnait l'opportunité de le découvrir en son entier, et de vérifier… si la promesse était tenue.

Mon avis est mitigé sur la question. Sauf erreur, il s'agit d'un premier roman d'un auteur jusqu'alors inconnu, bien qu'ayant – contrairement à beaucoup d'autres – pu théoriquement bénéficier de l'expertise professionnelle de la maison d'édition Ex-Aequo qui a bien voulu le publier. Aussi en tiendrai-je compte dans ma critique de ce livre (150 pages en broché).

C'est donc très enthousiaste que je me suis lancée dans la lecture de cette quête initiatique menée en 1652 par le jeune Alexandre d'Embrelat, orphelin de dix-huit ans, pour comprendre l'histoire de sa famille et retrouver les assassins de son père Armand et de son grand-père Louis (nobles seigneurs du château d'Artenay dans le Loiret) exécutés par commandite dix années auparavant. Une enquête et une quête qui le conduiront à passer de l'état d'adolescent solitaire, mal dans sa peau et limite suicidaire et à celui d'un adulte intelligent, éclairé et responsable, ouvert au monde et aux autres.

Dans la plus pure tradition des romans de cape et d'épée, on suit Alexandre et ses amis dans la compréhension des documents codés laissés par son grand-père et mis au jour par son père adoptif ; dans la constitution d'une confrérie secrète regroupant des personnes de confiance de divers horizons, toutes désireuses de voir les coupables de ces crimes identifiés et punis ; dans sa découverte du monde dans ses aspects négatifs (les arcanes du pouvoir, les corruptions, les trahisons, les missions secrètes et les rôles d'espions et de contre-espions joués par les uns et les autres) comme dans ses aspects plus positifs (l'accès à la connaissance, la fraternité, la bienveillance, le goût de prendre des décisions et des risques… et enfin la découverte de la gent féminine et avec elle, de l'amour).

On verra que la composition de la Confrérie de l'échelle n'est pas anodine, car chaque membre y apportera ce qu'il est, ce qu'il sait, ce qu'il sait faire et ce qu'il est prêt à sacrifier pour voir aboutir la quête : le vieux Maestro, ex-précepteur d'Alexandre, incarne le savoir et la sagesse des anciens ; Blaise, intendant du domaine et père adoptif d'Alexandre incarne la stabilité, le bon sens paysan et il est la courroie de transmission entre l'histoire d'hier (celée dans une sacoche dont il avait la garde) et l'histoire d'aujourd'hui ; Angelo, ancien garde du corps du grand-père et du père d'Alexandre met à sa disposition son savoir-faire de fin limier et de bretteur ; Maître Saratxaga, notaire et homme de confiance des seigneurs d'Embrelat est le garant des dernières volontés des défunts et apporte sa connaissance des droits et des lois de l'époque ; Sans oublier Marie, mère adoptive d'Alexandre, qui incarne l'amour maternel et entend mettre à disposition toute son intuition féminine et son regard différent sur les choses ! Plus tard, la confrérie s'enrichira de deux autres membres qui, eux aussi, auront toute leur importance : Tristan, simple palefrenier, alter-ego d'Alexandre, qui se verra proposer de grandir et de découvrir le monde à ses côtés ; Joseph, mentor et ami de longue date d'Angelo, sombre espion à la solde de Richelieu, puis de Mazarin, dont on verra qu'il facilitera les choses lorsqu'il s'agira d'accéder aux arcanes du pouvoir et de mener l'enquête dans les bas-fonds parisiens.

Les points forts du livre :
Sa cohérence historique (certains des personnages cités ont réellement existé). Il donne à voir une période de l'Histoire où les rôles du Cardinal de Richelieu (Ministre du roi Louis XIII de 1624 à 1642), puis du Cardinal Mazarin (Ministre du roi Louis XIII à partir de 1642, puis de Louis XIV) pour protéger l'État et le roi en place ont été prédominants et déterminants pour assurer la stabilité du royaume de France. Une période faite de secrets d'État, de complots, de tentatives de renversement (ex : ce qu'on appelle La Fronde 1648-1653) qui nécessitait de mettre en place tout un réseau d'espions et de contre-espions, aux compétences multiples, pour déjouer les pièges tendus par les ennemis intérieurs et extérieurs. C'est ainsi que Louis et Armand d'Embrelat ont intégré secrètement ce réseau du fait de leurs connaissances exceptionnelles en cryptographie (déf. Ensemble des techniques de codage et de décodage de messages) et en cryptoanalyse (déf. Déchiffrement de messages dont on ignore le code ou la clé).
Il guide aussi le lecteur dans la compréhension de l'émergence de ces sciences et de leur évolution et informe sur les différentes clés de décodage existantes. Personnellement, j'ai eu un peu de mal à suivre et je pense avoir décroché sur cette question, car ce n'était pas vraiment l'essentiel. Mais, je sais que depuis le Da Vinci code, tous ces aspects intéressent les jeunes en quête de mystère et d'ésotérisme, donc j'ai compris toute sa raison d'être au sein de ce roman (encore faut-il néanmoins que les informations fournies aux lecteurs soient effectivement claires et donc accessibles).

Autres points forts : la structure générale du récit et son découpage en chapitres (plutôt) courts qui imprime un rythme dynamique, une écriture simple et fluide, agréable à lire. Un registre de langue adéquat pour l'époque, une vraie richesse de vocabulaire (remarque : certains mots mériteraient peut-être d'être décodés pour les plus jeunes) et hormis quelques coquilles, globalement, une bonne syntaxe et une orthographe très correcte.

Les points faibles du livre :
Malgré ces points forts, je suis néanmoins un peu restée sur ma faim. Certes, le contrat de lecture est respecté : l'énigme est résolue et les différents membres de la confrérie ont joué le rôle qu'on attendait d'eux pour mener à bien cette quête. A leurs côté, Alexandre est devenu un homme qui s'est enrichi de leurs apports, mais aussi de ce qu'il a vécu durant les quelques semaines qu'a duré la quête (ou mois ??? la durée de l'action n'est pas vraiment précisée).

Il m'a semblé, mais cela reste très subjectif, que la première partie du livre (avant le départ vers Paris) était trop lente même si, indéniablement, elle éclaire utilement le contexte (passages en italiques de l'histoire racontée par le grand-père, informations sur l'histoire de la cryptographie et sur les différentes méthodes de cryptage et décryptage, recherche de la clé, histoire d'Angelo, etc.). Mais, il faut attendre le chapitre 14 pour qu'ils se mettent enfin en mouvement ! C'est long, et cela peut démotiver le lecteur impatient de poursuivre. de plus, l'intrigue m'est apparue trop simpliste, cousue de fil blanc. Certes, il y a, ici ou là, quelques petites péripéties, mais vraiment rien de crédible. Tout semble facile, huilé comme du papier à musique, c'est très linéaire et cela manque vraiment de rebondissements, tant du point de vue de l'extérieur (les ennemis cachés, le commanditaire qui cède tout de suite au chantage, le Cardinal Mazarin si accessible, bienveillant et facilitant… alors qu'on sait que ce n'était pas un homme facile) que de l'intérieur (où fraternité et bienveillance prédominent, on pardonne les trahisons des uns et des autres, tout va bien dans le meilleur des mondes… on sait bien que la réalité est toujours plus complexe). Donc, de mon point de vue, cela manque un peu de réalisme quant aux moeurs de l'époque et aux difficultés pouvant être rencontrées (sur le chemin, dans Paris, mais aussi dans la psychologie des personnages). En effet, sur ce dernier point, l'intériorité de la réflexion et du ressenti des personnages me semble insuffisamment exploitée. D'autre part, si la rencontre avec Suzon est crédible, le transport amoureux à long terme qui semble en résulter m'apparaît peu réaliste compte tenu de l'époque, mais aussi des rapports régissant d'une part les hommes et les femmes, et d'autre part les nobles et les gens du peuple. Mais, cela ne coûte rien d'y croire, puisque manifestement Alexandre est un être à part qui fait fi des conventions sociales.

Autres points faibles, sans doute liés à une relecture/correction trop rapide et/ou insuffisante : présence intempestive de majuscules (ex : Seigneur, Notre Eugène) ou absence de majuscules (État) ; quelques coquilles d'orthographe et fautes d'accord (ex : événement, Angelo s'écrit sans accent sur le « e », conter au lieu de « compter », « femmes et enfants rassemblées », pas d'accent sur les locutions latines « qu'à minima », « souvenirs d'enfants » « il vois » « celles du corps » au lieu de ceux du corps, « leur vie » au lieu de sa vie, « çà » au lieu de ça, « mal venu » au lieu de malvenu, « quelle-est » tiret en trop, « temps que le ciel » au lieu de tant, « je suis enchanté » alors que c'est une femme qui parle, « je me pourrai » au lieu de je ne pourrai, « entretenue » au lieu d'entretenu ; oublis de mots (« mais cela peut produire » au lieu de se produire), ou encore anachronismes de langage : ex : « tu as mis dans le mille » ;
J'aurais, par ailleurs, préféré avoir les notes immédiatement accessibles en notes de bas de pages plutôt qu'à la fin. Mais c'est déjà beaucoup qu'elles existent et j'ai apprécié leur présence.

Il n'en reste pas moins que ce roman est très agréable à lire et, je ne doute pas un instant qu'il satisfera des adolescents ou jeunes adultes en quête un « héros » auquel ils pourront s'identifier. Il me semble avoir compris que ce roman n'était que le premier d'une (peut-être) longue série. La suite des aventures d'Alexandre est parue, chez le même éditeur, en avril 2022 sous le titre L'écu à la mèche (244 pages). J'interprète donc La confrérie de l'échelle, en quelque sorte comme un « prologue » (on dirait préquel dans le cas d'une série télévisée) d'une histoire qui devrait gagner en profondeur et en péripéties.
Pour ma part, j'ai bien envie de découvrir la suite de l'histoire d'Alexandre et de vérifier si l'auteur a gagné en confiance et en prise de risques.

Pour acheter le livre : https://livre.fnac.com/a15904224/Eric-Lambert-La-confrerie-de-l-echelle#omnsearchpos=1#ficheResume
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