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Critique de Renatan


« Faites de moi ce que vous voulez, mais faites le vite… »

L'été dernier, j'ai pris le train pour Terezín, à une soixantaine de kilomètres au Nord-Ouest de Prague. Mes enfants étaient là, ils avaient besoin de « savoir », de toucher l'empreinte inhumaine, encore floue à leurs yeux, des camps d'extermination nazis. Nous n'oublierons jamais cette journée, comme marquée pour toujours au fer rouge…

Durant la Deuxième Guerre Mondiale, la ville-forteresse de Terezín fut transformée en ghetto juifs, réservé aux gens célèbres, savants, musiciens, intellectuels et artistes de toutes sortes. Chaque semaine, ils y étaient déportés par centaines, entassés dans des wagons à bestiaux. Qui pourrait comprendre, sinon ceux et celles qui l'ont vécu, le poids de l'épuisement? La soif et la faim qui vous rongent? le dégoût des odeurs fétides s'échappant du seau d'excréments plein à ras bord? Qui pourrait comprendre le cri des enfants, peut-être les vôtres, et pour qui vous avez peur, impuissants à les protéger des souffrances qu'ils endurent? L'incertitude vis-à-vis ce qui les attendait, aux vues des traitements inhumains qui leurs étaient accordés, ne laissait présager rien de bon. L'homme est capable des pires atrocités…

Ce soir-là, Victor Steiner, célèbre dramaturge juif, marchait dans les rues de Paris, en direction de son domicile. Il sortait de la représentation du Soulier de satin de Paul Claudel – durant la guerre, les salles de spectacle étaient interdites aux Juifs. Des coups de sifflet se firent entendre. Il est arrêté et déporté à Terezín, où il trouvera, en l'officier nazi Waltz, l'un de ses plus grands admirateurs. En vue de la visite de contrôle des membres délégués de la Croix-Rouge – et dans l'unique but de les divertir - l'officier SS lui commandera une pièce inédite en allemand. Coup de théâtre, les nazis vont tenter de créer un « faux décor », un paradis artificiel où les malades seront cachés dans les sous-sols. Il y aura un match de football, un orchestre, des jeux de rôle simulés dans le bonheur et l'épanouissement. Steiner « jouera le jeu ». Parce que l'écriture est avant tout un exutoire, qu'elle sera son unique chance de survivre. Et qu'il n'aura plus rien à perdre.

« L'art est une version stylisée de la vie. »

Lever de rideau sur Terezín nous raconte le courage de milliers d'êtres humains. Dans cette ville coupée du monde, deux à trois mille personnes sont mortes chaque mois. Des listes affichées sur les murs du baraquement Magdebourg décidaient du sort de centaines de prisonniers. Y étaient inscrits tous ceux qui seraient envoyés par convois vers Auschwitz-Birkenau, pour y être gazés. Lors de la visite des membres de la Croix-Rouge, le 23 juin 1944, 7500 noms ont été inscrits sur ces listes. Il fallait « faire le grand ménage »…

Ce livre est aussi une histoire de courage et de solidarité. Je repense à l'humoriste Jean Milton, au bibliothécaire Moese Richter, à Léo Sapolsky et son grand-père Slavek, au Grand Sebastian, qui a donné sa vie. Et à tous les autres…

En fin de journée, en reprenant le train pour Prague, j'avais la gorge nouée. Oui, vraiment, l'humain est capable des pires atrocités…

Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
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