Citations sur Témoins à charge (30)
J’ai accusé mon beau-père de m’avoir obligée à lui faire des trucs pendant des années, alors que c’était faux. Il est resté deux ans en taule à cause de moi. Je sais qu’on me ressortira toujours cette histoire. J’ai assez souffert comme ça. Ma mère ne me parle plus. Elle a quitté Le Mans pour s’installer du côté d’Alençon avec ce type. Je ne vois plus ma petite sœur et mon frère. Je veux qu’on me foute la paix !
Marilynda Sotis présentait le profil habituel des victimes d’agressions sexuelles ou de violences conjugales, ou de ces filles qui trempent dans des trafics de stupéfiants plus ou moins minables, embringuées par des individus dont elles se sont entichées. Elle dégageait le charme de la jeunesse, mais une décennie au maximum suffirait à faner cette beauté. À défaut de posséder une tête bien faite et bien pleine, elle s’étiolerait sous le joug d’un travail peu valorisant et d’une vie privée sans relief. Les années qui filent s’emploient à gommer jusqu’à l’effacement complet les atours de toutes ces créatures vulnérables grandies sur le terreau de la mouise et de la malchance.
Mademoiselle, nous sommes habitués à recevoir des plaintes de femmes plus ou moins jeunes battues par leur compagnon. La plupart réclament à cor et à cri qu’il aille en prison. Quand elles obtiennent satisfaction, elles sont ensuite les premières à venir pleurer pour que la justice les remette en liberté. Résultat, elles débarquent ici quelques jours, semaines ou mois plus tard pour déposer une nouvelle plainte, munies d’un nouveau certificat médical. Quand on les revoit, car certaines terminent à la morgue. Croyez-moi, oubliez ce garçon. Vous êtes jeune, mignonne. Vous n’aurez aucun mal à retrouver un compagnon doux et gentil, qui vous aimera sans jamais vous menacer de coups quand vous l’énerverez.
Après l’avoir invitée à s’asseoir, la femme-flic pianota sur son ordinateur, laissant ainsi à Marilynda le temps de l’observer. Une jolie femme dans la trentaine, à l’expression avenante. Elle se sentit en confiance. Entre femmes, on pouvait se comprendre…
Je m’en fous d’être célèbre ! Et j’ai vraiment pas envie de ressembler à toutes ces pétasses qui tournent des films pornos ! Tu m’écœures d’un seul coup !
Il aurait préféré malgré tout les plaisirs sous la couette pour évacuer les tensions et les vilaines images de ces derniers jours. Pas sûr, vu le programme annoncé, qu’il passe ensuite une bonne nuit…
On savait qu’il était marié à une esthéticienne, qui ne travaillait plus depuis la nomination de son mari au Mans. Les rares personnes qui la connaissaient décrivaient une belle femme restée très simple. Une qualité appréciée dans le monde judiciaire. Bref, on était à cent mille lieues du cliché du procureur au nez crochu, hautain, méprisant envers les faibles et à plat ventre devant les forts.
S’il n’avait accepté de défendre que de pauvres diables naïfs ou stupides, il roulerait en Dacia d’occasion et logerait dans un galetas. Il comptait également dans sa clientèle des « gens bien », d’innocentes victimes d’individus violents ou dénués de scrupules. Bref, il travaillait avec une joie gourmande, qui ne faiblissait qu’en fin de journée sous l’effet de la fatigue ou en raison de contrariétés polluant le moral. Mais une soirée tranquille avec Agathe ou un week-end avec les enfants suffisaient à le requinquer et à lui insuffler l’énergie nécessaire pour repartir au combat.
L’histoire judiciaire regorgeait d’innocents en prison, de coupables en liberté. Passé le temps des passions et de l’émotion, parfois attisées par l’exploitation médiatique, qui s’en souciait ? La page finissait toujours par être tournée. Certains faits divers, enkystés pour l’éternité après avoir défrayé la chronique, ne passionnaient plus, dans le meilleur des cas, qu’une poignée d’esprits nostalgiques ou d’utopiques redresseurs de torts, chacun y allant de ses hypothèses sans que cela remette en cause les vérités judiciaires.
Cette tragédie aurait pu devenir une véritable bombe judiciaire et médiatique si l’enquête policière n’avait été rondement menée, facilitée par la découverte d’un indice matériel déterminant, coupant ainsi l’herbe sous le pied aux journalistes qui la comparaient déjà à l’affaire de Bruay-en-Artois.