Les certitudes de la science se dissolvent dans les incertitudes de l'expérience.
Les maux ont commencé tantôt à s'entraider, tantôt à rivaliser, sans qu'aucun puisse tenir la corde plus de quelques minutes. Bientôt, la première nausée est venue. Je me suis concentré sur le mal de cuisse pour la chasser, puis, une fois sa mission accomplie, le mal de cuisse a été chassé par mon pied à vif et ankylosé, jusqu'au moment où la mâchoire électrocutée a bondi en dedans et effacé le pied. La mâchoire croyait régner quand une pelote d'aiguilles posée dans la trachée lui est passée devant, se reposant sur ses lauriers de douleur jusqu'au moment où une vieille escarre à l'orée des fesses, datant d'avant l'opération et qui telle la tortue attendait son heure, a franchi en tête la ligne d'arrivée.
Mon aventure maltraite ma mémoire, en l'incisant et en l'insensibilisant tout à tour : de ce chaud et froid naît le chagrin qui ne cesse de m'envelopper, comme si je souffrais de tout en ayant tout perdu.
L'attentat fend l'arbre à l'intérieur duquel les gens vivent, aiment, se séparent, se retrouvent, se souviennent, vieillissent. Il crève le tourbillon de la vie.
L'hôpital est un endroit où l'accident donne vite un sens à l'échec.
Le corps n'oublie rien, mais la conscience oublie vite.
J'ai vite appris, grâce à ce cours particulier d'après nature, que la chirurgie est du grand art et du bricolage incertain : mélange de technique, d'expérience et d'improvisation.
C'est peut-être cela qui caractérise le fou : être prisonnier à perpétuité de l'événement cruel et impensable qui, croit-il, l'a fondé.
Quelle est la vie des gens lorsqu'ils sont sortis de la nôtre ? On n'en sait rien et ce qu'on imagine est presque toujours faux.
Tant que nos défauts nous suivent, c'est qu'on est vivant, il n'y a plus qu'à les sculpter.