Citations sur Une vie de mensonge (41)
Ce n’est pas parce qu’on se trouve à Rome qu’on doit se la jouer catho. Franchement, je préfère visiter les ruines antiques. Le Forum, le Colisée, le Sénat, théâtre de l’assassinat de César, le temple de Jupiter, celui d’Aphrodite. Plaisirs de la chair, décadence, érotisme… paganisme… C’est tout cela qui a rendu Rome célèbre !
Le bœuf, c’est ça la valeur sûre. Les gens ont trop longtemps manqué de viande ; ils donneraient n’importe quoi pour un bon hamburger. Ouais, le bœuf va transformer le paysage américain. Sûr qu’il va le faire. Tout le monde l’affirme à la Fédération agricole. Et à la coopérative aussi.
Alice, comme toutes les femmes dénuées de charme, souffrait cruellement de son absence d’atouts physiques. Tout ce qu’elle possédait, et qui lui avait permis de séduire Harold, son aîné de vingt ans, c’était un corps jeune et délié. Ce ne fut qu’après des années de privations que son seul et unique charme commença de se faner. Sa première grossesse s’était déroulée sans complications et elle avait très vite recouvré sa silhouette de jeune fille.
A vingt-deux ans, Alice en paraissait quarante. Des fils d’argent étaient venus se glisser prématurément dans ses cheveux d’un brun terne, et l’exposition continuelle au soleil avait ridé les coins de ses yeux couleur de bleuet. Cependant, c’étaient essentiellement la misère, l’absence de joie et d’espoir qui avaient creusé des rides autour de sa bouche, affaissé ses épaules et rendu sa démarche traînante. Elle se sentait aussi âgée que le sol qu’elle grattait pour en arracher des légumes, ces légumes qui constitueraient l’essentiel de leur nourriture durant le prochain et rigoureux hiver d’Illinois.
A l’école, il travaillait juste assez pour passer dans les classes supérieures et avoir la paix. Son univers se limitait à sa chambre, où il louvoyait entre piles de linge sale, assiettes souillées et emballages odorants de Big Mac dont il faisait une grosse consommation après la classe et le samedi. Il regardait des dessins animés, jouait à des jeux vidéo, se tenant prudemment à l’écart de sa famille et de l’existence en général. Et jamais, au grand jamais, il ne raconta à sa trop protectrice maman qu’il utilisait l’argent de la cantine pour se procurer de l’herbe et de l’extasy auprès de Matt Ressing, leur si irréprochable voisin, alors en dernière année de lycée.
Rien de plus stupide qu’une femme intelligente ! grommela-t-elle. De nos jours, l’âge n’a rien à voir avec ces choses, voyons. Je connais à Los Angeles des femmes qui ont parfois vingt-cinq ans de plus que leurs amants et qui les comblent. Ceux-ci ne pourraient être plus attachés à elle. Tu sais ce qui les caractérise ? L’aptitude au bonheur. Elles sont drôles, intelligentes, gaies. Et aimantes.
C’était un cercle vicieux. Elle cuisinait pour se distraire et tenter de se valoriser. Et elle mangeait pour combler le vide d’un mariage raté. La réprobation de Richard, à qui le moindre gramme de graisse superflue répugnait, lui pesait terriblement. Et plus elle se sentait dépréciée, plus elle mangeait. Finalement, elle en vint à afficher vis-à-vis de son poids une totale indifférence. La vérité était qu’elle en souffrait au-delà de toute expression.
C’est fou ce que le désir de vengeance peut motiver.
Il lui apparaissait soudain comme un étranger. Qui était cet individu égoïste et coléreux qui ressemblait si peu au garçon qui vénérait le sol sur lequel elle marchait ? Que lui était-il arrivé ? Que leur arrivait-il ?
Le manquement de Richard à son égard était pour elle bien plus grave que l’adultère ; il l’avait tout bonnement rayée de sa vie. Elle se demandait s’il lui arrivait jamais de leur consacrer une seule pensée, à Penelope ou à elle. Jamais il ne l’appelait dans la journée pour lui demander de ses nouvelles ou s’enquérir de ses occupations ainsi que le faisait son père avec sa mère, et ceci pour la bonne raison qu’il s’en moquait éperdument.