Que tu le veuilles ou non, tu appartiens à ce milieu, celui des gens fortunés. Nous ne sommes pas contraints de souffrir pour gagner notre pain, et nous pouvons par conséquent accomplir de grandes choses. Un médecin de ma connaissance travaille sur une thérapeutique du cancer à Northwestern ; un autre ami, un des meilleurs avocats d’Amérique, se lance dans la course au Sénat. Les gens aiment qu’on leur fabrique un monde meilleur, tu comprends ? Nous sommes des privilégiés. Nous avons la responsabilité de nous marier dans notre milieu et de continuer à donner au monde des chefs et des pionniers. Ce qui est impossible quand on doit consacrer toute son énergie à se nourrir.Se penchant, James posa une main sur celle de sa fille.— Il n’est pas des nôtres, dit-il sur un ton confidentiel.Mary Grace s’attendait presque qu’il évoque le statut de droit divin de la grande bourgeoisie. Jamais elle ne l’avait trouvé si imbu de lui-même.
La précipitation est mauvaise conseillère.
Elle apprit qu’il avait consacré l’argent gagné sur le Queen Elizabeth à financer leur mariage et acheter son alliance. Son ticket d’autocar payé, il lui restait cinq cents dollars pour régler le premier mois de loyer, la caution et vivre en attendant. Il n’était pas question de se meubler autrement qu’en occasion, souligna-t-il, et encore devraient-ils se contenter du strict nécessaire au quotidien.Mary Grace comprenait maintenant pourquoi ses parents prétendaient qu’on ne pouvait vivre d’amour et d’eau fraîche, et elle détestait leur donner raison.
Quand Cupidon frappe, il ne ménage pas ses flèches !
Ce qu’il pouvait détester ces pseudo-intellectuels ! Sous prétexte qu’il étudiait la psychologie, Bob rendait la vie impossible à tout le monde. Or Richard détestait qu’on vienne fouiner dans ses affaires. Son père avait bien essayé, mais il avait vite compris sa douleur.
Elle se demanda si c’était très différent d’épouser quelqu’un qu’on connaissait depuis longtemps. L’idée d’avoir lié son sort à un inconnu la grisait sans qu’elle puisse toutefois déterminer si son excitation était faite de joie ou de… crainte.
Elle trouvait curieux que sa façon de la posséder sexuellement fût si différente de ses baisers qui lui avaient paru si romantiques, presque spirituels. C’était excitant, et pourtant, pour une mystérieuse raison, quel que fût le temps passé et les moyens employés, elle continuait de penser que leurs étreintes n’étaient pas ce qu’elles pouvaient être, et qu’il lui restait autre chose à découvrir.
Richard s’était procuré un simple anneau d’or, dont il avait dû choisir la taille au hasard, car il la serrait un peu. La jeune femme aimait pourtant son alliance qui luisait doucement dans la pénombre. Un jour, ils auraient assez d’argent pour qu’il lui offre un diamant, se disait-elle. L’année prochaine, peut-être.
En ondes concentriques, la volupté partait de son intimité la plus secrète pour se répandre dans tout son corps. Elle ouvrit la bouche pour mieux accueillir celle de Richard et gémit sous l’assaut de son baiser. Elle brûlait de sentir ses mains lui caresser la poitrine, le ventre…
Sous la caresse des lèvres de Richard, Mary Grace s’embrasait, comme si le feu qui couvait dans ses veines se réveillait soudain. Avec une sourde plainte, il se frotta contre elle afin qu’elle sente son érection. Puis il la poussa contre un mur de briques, lui écrasant les seins de son torse.