Même si j'ai un faible pour la désinvolture cool et les dialogues qui balancent des romans mettant en scène le duo Collins et Pine, j'apprécie aussi lorsque
Lansdale opte pour une autre tonalité. «
Les enfants de l'eau noire » est dans la lignée des « marécages », roman que j'avais beaucoup aimé. Encore une fois, j'ai passé un très bon moment de lecture. Même si «
les enfants de l'eau noire » n'est pas d'une grande originalité, il bénéficie du talent de conteur de l'auteur. Indéniablement,
Joe Lansdale est un page-turner, une fois commencé, le bouquin est difficile à lâcher et les pages tournent toutes seules.
Quand on connait
Lansdale, ce roman ne surprend guère. On y retrouve ses thèmes de prédilection ainsi que des motifs récurrents et un contexte qu'il a déjà exploré. Mais, comme il le fait bien, ça glisse tout seul et ce sentiment de confort est plutôt agréable.
Lansdale sait donner vie à des personnages forts et attachants. «
Les enfants de l'eau noire » le confirme largement. le groupe de jeunes héros est très bon, Sue Ellen, Jinx et Terry forment un trio équilibré et attachant. Les personnages secondaires sont toujours parfaitement brossés et forment une galerie pittoresque. Mais le meilleur protagoniste du roman est incontestablement Skunk. Quel personnage ! J'ai adoré la façon dont
Lansdale l'a caractérisé, en lui donnant un air de croquemitaine de légende. A ce titre, en faire un personnage muet était une excellente idée. Tout comme le fait que ses apparitions soient rares. Je trouve que ça permet au récit d'arborer une légère touche quasi-fantastique qui amplifie l'atmosphère inquiétante et mystérieuse.
Lansdale connait bien son Texas natal. Ici, il emmène le lecteur sur la Sabine et fait quasiment du paysage un personnage à part entière. le récit est très dépaysant grâce à la peinture immersive de ces lieux moites, sauvages et oppressants.
L'intrigue n'est pas vraiment le point fort du roman. «
Les enfants de l'eau noire » est finalement simplement une course-poursuite agrémentée d'éléments mystérieux. Il faut reconnaitre que la tension et le suspense sont bien présents, le récit est vraiment prenant mais c'est plutôt dû au talent de conteur de l'auteur qu'à l'histoire en elle-même. L'aspect policier, avec les questions autour de la mort de Mae Linn, n'est pas très intéressant et un brin convenu. En revanche, l'aspect historique du roman est vraiment une réussite. Cet aspect n'est qu'un fond mais imprègne tout le récit. La peinture sociale du Texas rural des années 30 confère au roman une véracité saisissante. Ainsi, en filigrane, à l'arrière-plan de l'échappée des héros, apparait le contexte de la grande dépression ainsi que le thème des rapports entre noirs et blancs.
Malgré une intrigue pas totalement convaincante, je ne peux que conseiller ce roman aux amateurs de
Lansdale, et aux autres. le bonhomme s'y entend pour installer une ambiance, saisir son lecteur et ne plus le lâcher. Et puis, s'il suffisait d'une raison pour lire «
les enfants de l'eau noire », c'est Skunk. Je vous jure que c'est un sacré personnage.