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Critique de Pavlik


Voici un manga (français) scénarisé par Rémi Guérin et dessiné par Guillaume Lapeyre franchement sympathique ! C'est non seulement un grand melting-pot de références piochant aussi bien dans les cultures japonaise et occidentale (cultures "geek" et plus classique) mais aussi un univers cohérent et original.

Dans un monde steampunk technologiquement boosté, le papier est l'arme de destruction massive par excellence. En effet, tout ce que l'on y écrit devient bel et bien réel et les êtres ainsi créés prennent le nom de "papercut". En fonction des talents d'écrivain de leur créateur ils se révèlent plus ou moins complexes et capables d'initiatives. Il y a environ 200 ans, une grande guerre eut lieu, à l'issue de laquelle l'art de l'écriture manuscrite et le papier furent bannis. Aujourd'hui, très peu de gens sont au courant de ces faits. Néanmoins, un attentat se produit à Londres, impliquant de toute évidence un "papercut", à l'issue duquel le ministre des finances est assassiné. La maire, malgré la réticence de l'inspecteur chef Lester, décide de demander à deux écrivains talentueux de l'aider à contrer le dangereux terroriste qui a fait resurgir un terrible pouvoir que tous croyaient révolu. C'est ainsi que Jules Verne et Arthur Conan Doyle sont appelés à la rescousse et armés d'un cahier pour la circonstance...

Si l'univers de City Hall est esthétiquement steampunk, avec dirigeables et voitures customisées années 1920-1930 (particulièrement soignées d'ailleurs), le fait qu'il n'existe plus d'écriture manuscrite a posé un problème de cohérence par rapport aux poncifs du genre. Les auteurs l'ont résolu en y introduisant ordinateurs, internet, livres numériques et portables, imaginant ainsi une sorte de steampunk 2.0 : ça surprend au début mais on s'y fait très bien. Sinon on note des similitudes avec le monde de "1984" .
Par ailleurs quelques cases représentant la vie avant la guerre, où chacun se baladait avec son "papercut" personnel, évoquent "I Robot" et les combats de "papercut" géants entre eux ou contre l'armée s'inscrivent dans la lignée des histoires de "méchas", type "Mazinger Z", "Goldorak" et "Gundam" (pour citer les séries pionnières). Enfin comment ne pas penser à "Death Note", brillant manga dans lequel on peut tuer des personnes en inscrivant leur nom sur un carnet appartenant à un dieu de la mort. La différence, de taille, est bien qu'ici la réussite d'un "papercut" se mesure à l'aune du talent, et qu'il s'agit de créer (même si c'est à des fins destructrices) et non de faire disparaître. City Hall peut donc être vu comme une parabole sur le pouvoir de l'imagination et, au-delà, des mots : mots qui tuent, mots qui asservissent et qui contrôlent. Mots qui peuvent, à la limite, élever le simple mortel au rang de dieu.

En ce qui concerne les personnages les auteurs ont eu la très bonne idée de s'inspirer de personnes réelles à savoir les écrivains Jules Verne et Arthur Conan Doyle et l'aviatrice Amélia Earhart (qui fut la première femme à traverser l'Atlantique en avion), mais également, pour les personnages plus secondaires, Malcolm X (le maire), Abraham Lincoln (le président des USA) et on y croise également Eliott Ness et Al Capone. le trio Verne / Conan Doyle / Earhart est particulièrement savoureux et fonctionnel. le strict duo Verne / Conan Doyle semble être une tentative, plutôt réussie, de "domestication" du personnage de Sherlock Holmes (qui aurait sans doute été, en tant que tel, trop écrasant). Ainsi Verne hérite du charisme et de l'ego du célèbre détective quand Arthur Conan Doyle incarne ses fantastiques capacités analytiques. Enfin la présence d'Amélia Earhart, aventurière, femme d'action, elle est membre du Culper Ring (IRL un réseau d'espion aux ordres du général Washington en 1778) et sexy en diable, introduit une touche de romance (pour l'instant hypothétique) et contrebalance le machisme de Jules Verne.

En bref, une excellente surprise que ce "City Hall", qui plus est doté d'un dessin très agréable, en général vraiment lisible (sauf dans quelques scènes d'action, sans doute un hommage de plus aux mangas^^) et aux décors soignés. Les protagonistes sont attachants et l'intrigue, certes classique dans le fond, donne néanmoins envie d'être suivie, d'autant plus dans cet univers original multiplie les références, comme autant de faire-valoir savoureux.

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