Le voyageur bleu, tome 1 : Prophétie

Ce monde fonctionnait selon une hiérarchie organisée par l’obtention de diplôme. Une chose qui ne validait que la théorie et non la pratique, chose incongrue pour elle. Elle n’était pas naïve au point de croire que sa détermination la mènerait à un diplôme donc elle avait suivi une formation courte. Laver les vitres et nettoyer des bureaux n’étaient pas le travail rêvé mais il lui permettait de pallier les dépenses quotidiennes et d’offrir à son enfant au moins le nécessaire. Elle ne demandait rien de plus sauf… sauf retrouver sa vie d’avant. Un doux rêve, un espoir vain qu’elle ne pouvait cependant oublier. C’était trop dur de faire comme si rien n’avait existé, qu’elle n’avait jamais aimé. Car cet amour vivait quelque part.

Ce n’est qu’en assimilant la langue qu’elle avait compris pourquoi ils l’appelaient tous Maria. Les détromper était trop tard de toute façon. Plus les jours passaient et plus elle se sentait en confiance. Elle ressentait le soulagement de ne plus être seule dans cet endroit si différent de celui qu’elle avait connu jadis. Elle s’était appliquée car elle avait compris que sans maîtrise de la langue, sans connaissance de ce monde, elle ne pourrait y survivre et sauver son petit garçon de la faim. Sa force de caractère l’avait aidée à réussir.

Ma famille et moi-même nous tenions à carreaux. Nous étions des pacifistes, simples fermiers, loin de ces considérations politiques. Mais le roi ne faisait aucune distinction.

Il avait parcouru une bonne distance et l’épuisement narguait chacun de ses membres. Il n’aspirait qu’à une chose : retrouver la douceur d’un lit et y dormir jusqu’à perdre la notion du temps. Mais la peur d’être puni était plus forte que l’envie de dormir. Espion du roi, il avait juré allégeance et conservé son âme. Il s’était enrôlé car il ne voulait pas devenir un paysan affamé. Ce que son souverain ordonnait devait être appliqué à la lettre.

La pierre bleue était un objet trop convoité pour ne pas se méfier de tout le monde, même d’une amie. Elle avait toujours fait confiance à son intuition. Celle-ci ne la trompait jamais. Une sensation de malaise lui enserrait le corps et l’esprit, la plaçant dans un état d’angoisse permanent, il fallait en tenir compte.

Sans être jolie, elle attirait le regard. Elle dégageait de la bienveillance. Pourtant, Noty se méfiait. Deret s’était-il rendu coupable d’infidélité ? Si tel était le cas, elle le trainerait devant le roi et demanderait réparation ! On ne se moquait pas d’elle impunément. Elle ne lui avait pas donné tant d’années pour qu’il lui fasse ça. Certes, elle ne pouvait enfanter mais il lui avait promis qu’il s’en accommoderait car son amour pour elle était plus fort ! Le menteur, le rustre, le…

Mon peuple est asservi. La terreur et la pression se sont accrues sur eux. J’en souffre, j’ai mal car je leur ai moi-même donné ce bourreau.
Demain, je serai pendu, laissant mon peuple aux mains de ce fou. Pardon, pardon à tous pour ma faiblesse. Je vous laisse dans de tristes et déplorables conditions. Qui viendra vous délivrer ? Qui ?
Je cache cette lettre dans l’espoir que quelqu’un la trouvera et comprendra l’urgence qu’il y a à arrêter cette destruction des âmes.