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Citations sur A.O. Barnabooth, son journal intime (29)

Oh, je finirai par crier la vérité : je hais les pauvres ! les ignobles Pauvres ! les infâmes Pauvres ! les sans-le-sou, la puante Canaille ! Je les hais, et de toute la haine que peut nourrir une âme basse de paria pour les castes supérieures. M’ont-ils assez piétiné, m’ont-ils assez craché au visage, les immondes pauvres ! Comme leurs sourires m’ont percé le cœur, et comme ils savent bien me renvoyer tout de suite à mes milliards, sans me donner le temps de parler, de m’excuser un peu, de leur montrer que, malgré tout, je suis un homme comme eux. Ils me dénient tout : la faculté d’aimer, de comprendre les choses, de penser par moi-même, de posséder des amis sincères. Et le geste qu’ils ont pour dire : « Bah ! il se consolera bien avec ses billets de banque : laissons-le ! » J’aurais beau avoir le génie de Dante et la science de Pico de la Mirandole, - je serais toujours pour eux le « milliardaire américain, le jeune oisif », un niais, un grotesque sans esprit et sans talent qui achète et publie sous non nom les livres et les inventions des autres – de Messieurs les pauvres, justement. Et j’aurais beau consacrer les neufs dixièmes de mes revenus à fonder des hôpitaux et des institutions charitables, - ils m’accuseront toujours de chercher à me rendre populaire, ou simplement à faire parler de moi et de mon argent, ou bien ils diront que j’ai des « ambitions secrètes ».
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Regardé passer les endimanchés florentins sur le trottoir d’en face, le long du parapet de l’Arno. L’Arno, jaune et boueux, roulant de temps en temps un fiaschetto, vide, répandait l’ennui. Avec les premières lueurs des réverbères, les gens noirs endimanchés sont revenus des Cascine. Des pas traînaient. Cette foule avait un air de fausse élégance insupportable. Jamais le dimanche florentin ne m’avait tant rappelé les dimanches des grandes villes du Nord, où l’on sent, tout l’après-midi, une désespérante odeur d’excrément refroidi. Il fallait regarder de près pour s’apercevoir que c’était une foule italienne. D’elle émanait ce qui est peut-être la véritable sagesse de la vie, une médiocrité résignée.
Me penchant sur elle, j’ai parfois cru porter en moi toute la tristesse et au même instant toute la joie du monde. J’étais plein de remords, de désirs de destruction, de pitié et de tendresse. Je me suis senti à la fois très jeune et très vieux.
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Je hais les femmes qui ne comprennent pas qu'un homme soit grave en leur présence. Elles n'écoutent pas ce qu'on leur dit, leur pensée est ailleurs, mais que la figure de l'homme soit souriante, qu'il paraisse content, cela leur suffit.
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Mais qu'est-ce que cette sagesse, sinon l'usure de nos sentiments, et le refroidissement de notre ferveur ?
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Comme j’étais timide, et préoccupé de l’opinion, jusque dans ma révolte contre elle ! Le grand signe auquel je connais que j’ai dépouillé l’ancienne sottise : je songe – enfin ! – à plaire d’abord à moi. Et je prévois que je vais être heureux et faut-il avouer que j’hésite à être heureux ? …
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 La Triboun, la Triboun ! mon cher, ne me la faîtes pas à la Triboun. Osez donc avouer que toutes ces machines vous embêtent. Moi qui les apprécie peut-être un peu mieux que vous, j’en ai assez depuis longtemps : elles font dire des sottises. Non, ne me faîtes pas croire que vous aimez cette culture de manuels et de guides. Vous la portez dans la mesure où elle se porte dans le milieu où vous êtes né, voilà tout. Dans les salons de Paris vous vous pâmez sur Berlioz, Saint-Saëns et Debussy, et quand vous rentrez à Putouarey vous vous jouez du Théodore Botrel. Et vous avez raison, puisque cela vous plaît ! Et pour la littérature et la peinture, c’est la même chose. Je vois d’ici la bibliothèque de Putouarey. On a monté aux mansardes le Voltaire et le Rousseau de votre trisaïeul, et à la place de ces vieux sans-culottes démodés, s’étale la petite littérature mondaine, indécente et ennuyeuse, que votre libraire vous fait acheter. Non, mon ami, ce n’est pas pour vos goûts artistiques que j’ai plaisir à vous fréquenter. C’est pour votre fantaisie, votre bon sens, votre aplomb dans la vie et votre bonne tête française. Celui que j’aime, c’est Putouarey trousse-cotte, et Putouarey cœur-loyal. Et ne parlons pas de Ruskin ni même de Florence.
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Eprouvé un malaise à la pensée que mes tableaux favoris allaient être reflétés par tous ces yeux niais et durs, où l’idée ne lutte même pas pour traverser la matière, mais demeure ensevelie – dans quelles digressions ? Ah, l’Angelico, les Filippino Lippi, le Saint Sébastien du Sodoma, l’Annonciation de Léonard, la douce petite vierge du Bugiardini, les dessins de Mantega, vus par ces yeux-là ! Il me semble qu’on expose aux rires du vulgaire mes plus tendres pensées, mes aspirations les plus secrètes.
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La plupart de ces jeunes prêtres sont des barbares et des barbares possédés par un démon respectable. Pour eux, l’art n’est au fond qu’un vestige de la sauvagerie primitive, et le génie est un danger permanent pour la société.
On se demande ce que l’Italie peut faire pour eux. Ils partiront ayant tout blasphémé, mais certains d’avoir augmenté ce qu’ils nomment leur culture, et plus convaincus que jamais de l’excellence des esprits médiocres, qui sont les seuls bien ordonnés, les seuls respectables, enfin la Majorité écrasante, la Voix du Peuple, l’Homme Normal des aliénistes, n’ayant que les passions que l’on doit avoir, chacune en son temps : christianisme au IVème siècle, patriotisme avant-hier, socialisme hier matin, et l’amour sans phrases et sans arts, et même un goût modéré pour la modération.
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La femme est une limite, et il arrive même qu'elles finissent par nous refuser la seule chose pour laquelle nous les tolérons.
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Me voici plein de joie. Le grand air, la vitesse, les
confidences du marquis ? Enfin, je me sens héroïque.
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