Rose sauvage
Jeune garçon vit une rose
Rose sur la lande éclose ;
L’était belle comme un matin,
Pour la mieux voir, vite il s’en vint,
La vit à grande joie.
Rose, rose, rouge rose,
Rose sur la lande éclose.
Garçon dit : Je te cueille,
Rose sur la lande éclose !
Rose dit : Je te pique,
Pour qu’à jamais tu penses à moi,
Je ne serai pas ta proie !
Rose, rose, rouge rose,
Rose sur la lande éclose.
Et le garçon brutal cueillit
Rose sur la lande éclose ;
Et la rose se défendit,
Piqua, blessa, las ! rien n’y fit,
L’était déjà sa proie !
Rose, rose, rouge rose,
Rose sur la lande éclose.
// Johann Wolfgang von Goethe (1749 – 1832)
/ Traduit de l’allemand par Rémi Laureillard
Le soleil décline
3
Sérénité, sérénité dorée, viens !
Ô toi, de la mort
avant-goût secret et suave entre tous !
‒ Ai-je trop vite couru mon chemin ?
Ce n’est que maintenant quand mon pied s’est lassé,
que ton regard me rejoint enfin,
que ton bonheur encore me rejoint.
Alentour, vague et jeu purs,
Ce qui jadis fut lourd
a sombré dans l’oubli bleuté,
ma barque est au calme.
Tempête en traversée, comme elle a oublié !
Désir et espoirs se sont noyés,
âme et mer sont étales.
Septième solitude !
Jamais je ne sentis
plus près de moi la douce confiance,
plus chaude le regard du soleil.
‒ La glace de mes cimes ne rougeoie-t-elle pas encore ?
Léger poisson d’argent,
maintenant ma nef prend son départ
//Friedrich Nietzsche (1844 – 1900)
/ Traduit de l’allemand par Rémi Laureillard
Le soleil décline
2
Jour de ma vie !
Le soleil décline
Déjà l’onde lisse
se dore
Le souffle du roc est chaud :
le bonheur a -t-il donc sur lui
fait sa sieste à midi ?
De verts reflets de ce bonheur
se jouent encore sur l’abîme brun.
Jour de ma vie !
Le soir tombe !
Déjà ton œil rougeoie,
mi-éteint,
déjà sourdent
les gouttes de larmes de ta rosée,
déjà court, silencieuse, par les mers blanches
la pourpre de ton amour,
ton ultime et vacillante félicité.
//Friedrich Nietzsche (1844 – 1900)
/ Traduit de l’allemand par Rémi Laureillard
Le soleil décline
1
Tu ne connaîtras plus la soif longtemps encore,
cœur brûlé !
Dans l’air passe une promesse,
le souffle m’en vient de bouches inconnues :
‒ la grande fraîcheur approche.
Mon soleil brûlait au-dessus de moi à midi :
salut à vous, qui venez,
vents subits,
frais génies de l’après-midi !
L’air passe, étranger et pur.
De son regard biais de séductrice,
la nuit,
ne me lorgne-t-elle pas ?...
Reste fort, ô mon cœur valeureux !
Ne demandez pas : pourquoi ?
//Friedrich Nietzsche (1844 – 1900)
/ Traduit de l’allemand par Rémi Laureillard