Twitter est devenu le lieu où l'information se fabrique, mais aussi une plateforme qui permet de manipuler des opinions, de diffuser des intox, de faire connaitre, voire d'élire, des démagogues vociférants. Un réseau prêt à écarter les nuances, les faits et le contexte, au profit de la condamnation morale de l'indignation permanente, du harcèlement en bande organisée.
Ou, dit autrement, par Boualem Sansal dans son roman 2084 : la fin du monde, "Avec les loups il faut hurler ou faire semblant de hurler , bêler est la dernière chose à faire".
J'ai toujours été frappé par une expression courante sur Twitter : "à vomir" comme si s'indigner avait déjà donner envie à quiconque de régurgiter. Mais alors, pourquoi un tel plaisir de l'indignation? Sans doute parce qu'en s'insurgeant, on à l'impression d'être "dans le bon camp". Dans Total Bullshit, au cœur de la post-vérité, le neuroscientifique Sebastian Dieguez résume parfaitement le phénomène, qu'il rattache à la "grandiloquence morale" décrite par les philosophes Justin Tosi et Brandon Warke : "Une forme d'indignation performative visant à se représenter ostensiblement comme une personne vertueuse dans un environnement social où chacun cherche à montrer une image valorisante de soi." S'indigner, c'est dire à l'autre "Je suis mieux que toi."
L’outil dont on imaginait qu’il allait permettre la fin des dictatures s’est transformé en une machine à diviser, à créer des camps et des oppositions, souvent plus virtuelles que réelles.
2008-2019. Entre les deux, une décennie, le temps pour Twitter de prendre une place de plus en plus centrale, tant dans ma vie professionnelle et personnelle que dans la vie publique. Une décennie pour rendre accros les politiques, journalistes, influents de tous bords, prenant chaque jour, chaque heure, leur dose de nouvelles polémiques, de nouvelles intox, de nouveaux emballements. Ad nauseam
C'est la société elle-même qui crée ses monstres, et c'est à elle de les éradiquer