Deux narrateurs vont alterner pour raconter l'histoire incroyable des îles Chagos, petit archipel rattaché à l'île Maurice. Dans les chapitres non datés, Joséphin parle à sa mère « absente ». Il se rend à la Cour internationale de justice de la Haye. Les chapitres datés et les réflexions à la première personne vont nous faire découvrir pourquoi. L'histoire commence en mars 1967 et, bien que le roman se termine en 2019, bien qu'un jugement ait été rendu le 22 mai 2019, elle n'est pas encore terminée. Dans
Rivage de la colère,
Caroline Laurent nous explique comment l'Angleterre et les États-Unis, sans doute avec la complicité de quelques dirigeants de l'île Maurice, ont par divers moyens (et une certaine progression dans l'ignominie) vidé les Chagos de leurs habitants. Leur but : installer une base militaire américaine qui leur facilitera grandement la tâche dans l'océan Indien.
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L'autrice met en scène Marie-Pierre Ladouceur, une Chagossienne noire originaire de l'île de Diego Garcia, et Gabriel Neymorin, métis mauricien, dans une histoire d'amour contrariée par leur statut social, leur couleur de peau (c'est lié) et l'Histoire qui vient briser leurs rêves en les séparant prématurément. Pour moi, le principal intérêt du roman est historique : je ne connaissais rien de cette histoire affreuse de déportation de toute une population entre 1968 et 1973, et
Caroline Laurent organise son intrigue pour que le lecteur en suive les différentes étapes et qu'il voie les Chagossiens livrés à eux-mêmes sombrer dans le plus grand dénuement après leur arrivée à Maurice.
J'ai regretté ce que je considère comme une invraisemblance psychologique et qui, pour moi, a rompu le pacte avec le lecteur. Après leur séparation, quand Gabriel retrouve Marie-Pierre à Maurice et qu'il veut la voir, il est reçu par la tante Angèle. Celle-ci se met dans une colère folle, et dit à Gabriel que Marie-Pierre ne veut plus le voir, qu'elle le déteste. Gabriel s'en va et, sur la simple intervention de la tante, il ne cherchera pas à voir la femme qu'il aime comme un fou… Par ailleurs, si les sauts temporels de 1967 à 2018 sont parfaitement cohérents, je n'ai pas compris la nécessité des retours en arrière de 1973 à 1971… Dommage pour moi ! Un article de RFI fait le point sur la situation actuelle qui, malgré l'arrêt de la cour en 2019, ne semble pas évoluer : https://www.rfi.fr/fr/europe/20200807-chagos-%C3%AEles-sacrifi%C3%A9es-autel-accord-strat%C3%A9gique-maurice-royaume-uni. Un roman instructif qui fait vivre une tranche d'histoire méconnue.
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