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Critique de oiseaulire


Ce recueil de poèmes, édité en 2015, suit "finutilité" de Daniel Lavoie.

Il s'agit de "Particulités".

Je suis impressionnée par l'aptitude du poète à créer une nouvelle métaphysique et une nouvelle foi à partir de notre appréhension de l'univers depuis l'élaboration des théories de la relativité.

Le Dieu des chrétiens n'est plus. On peut même affirmer qu'il a été remplacé par celui des athées : l'athéisme n'étant rien de moins qu'une croyance aussi, une façon de nous installer dans le monde la plus confortable et la moins désespérée possible.

"Tous les athées ont leur théorie du néant", nous dit le poète. "Sinon, ils le devraient" : car l'athéisme peut et doit être une spiritualité.

Comment survivre à la révélation de ce que nous sommes ? "La vie est faite de choses communes : de l'eau, du fer, du carbone et de l'air". "La matière, il est clair, avait un plan. J'étais tombé par hasard dedans".

Bientôt, un jour, sous peu, nous serons pulvérisés dans un univers dont on dit qu'il est en perpétuelle expansion.

Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

"Et si Dieu n'était pas un IL ou un NOUS, mais un CELA ?"

Oui, Dieu est probablement un "cela", et ce n'est pas une raison pour perdre espoir, cet espoir qui est "l'endorphine de l'âme". Qui "enlève un peu de douleur lorsque les temps sont trop durs."

Car, comme le dit Saint-Thomas d'Aquin, l'amour fixe la marche du monde et des étoiles.

L'amour charnel, qui sans doute y participe ( "Je vaux bien mon poids en or, ou en caresses, ou en orgasmes. Je vaux bien quelques orgasmes", implore le poète, de sous-enchère en sous-enchère). Mais cet amour-là, Éros, ne suffit pas ; Agapé est l'indispensable amour, celui-là qui nous unissait à la divinité, et qui n'est pas mort avec elle, ou avec sa nature autre : la cohérence sublime de la moindre particule avec le Grand Tout, même si nous ne savons pas ce qu'est le Grand Tout.

Notre individualité est un épiphénomène : chacun veille à la part d'univers que l'ordre du monde a mis sous sa garde. Bientôt elle sera dissoute et le prêt qui nous a été fait de la matière (autant dire de l'esprit) sera remis au pot commun.

Soyons humbles : "La compréhension est illusion. Toute pensée est locale. S'occupe de l'immédiat. Là. Ta situation précaire et ton corps mou".

Le style poétique de Daniel Lavoie est bref, haletant, syncopé. C'est la voix de l'urgence et de la révélation.

De l'urgence de la révélation.

Une spiritualité intense nait de ces lignes, au milieu de la conscience de tant de noirceur, et de gris, beaucoup de gris, avec un peu d'orange.

Ce n'est plus le néant que nous avons à craindre puisque nous sommes éternels, c'est même plutôt l'éternité que nous avons à redouter, puisqu'elle nous déshabillera de ce "nous" qui nous est si cher. Nous sommes éternels dans l'esprit-matière, et jamais nous n'y échapperons.

"Je suis le prisonnier d'un évènement particulaire", dit Lavoie.

Pourtant l'Instant est là, la sagesse est d'y être présent, entièrement : " Y'a du pain sur la table. Un bon fromage au frais (...). Pour rêver, somnolent, aux doux matins de mai".

Une révélation pour moi qui ne savait comment m'accommoder de la découverte que nous sommes composés de quatre particules élémentaires : l'azote, l'oxygène, l'hydrogène et le carbone.

Vous qui errez en plein jour, une lampe à la main, cherchant quelque chose ; la même que vous continuez à traquer, la nuit, à la lueur d'une minuscule luciole, ou de rien du tout : lisez ce petit recueil.

PS : ces poèmes, bien qu'écrits par un francophone et publiés en français, ne sont accessibles en France que sous le format Kindle. L'éditeur, Plaines du Canada (Manitoba), n'expédie pas en France.
Si l'on est, comme moi, sensible à l'érotisme de la possession physique de la chose littéraire, il faut passer par un libraire parisien spécialisé en littérature canadienne, avec un délai un peu long (huit semaines).

Shit !
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