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Critique de gaelpoezevara


Louis Soutter aimait les longues escapades en solitaire, loin dans la nature. C'est peut-être pour ça qu'il m'a échappé, en dépit d'un intérêt pour l'art pictural remontant à l'enfance. Tant mieux d'ailleurs. Cela réconforte d'avoir encore à découvrir de telles personnalités un peu plus tard dans la vie.
Chez ma libraire, je n'ai pas pensé à épeler le titre du livre. Voyant qu'elle peinait à trouver la référence sur son écran, je me suis aperçu qu'elle avait écrit « Louis sous-terre ». A elle aussi, il avait échappé. Quelques pages plus tard je trouverai révélateur ce « lapsus homophonique ». Interné durant dix-neuf ans dans un asile de vieillards, lorsqu'on est vigoureux, virtuose du violon, cultivé, n'est-ce pas être enterré vivant ? Louis en souffrira terriblement. « Je ne suis pas fou... » pouvait-il clamer à la directrice, Mademoiselle Tobler, à son frère Albert, à sa mère, à son lointain cousin Le Corbusier...
Non, en effet, vous n'étiez pas fou Louis Soutter, assurément. Mais quelle place notre société réserve-t-elle à ces sensibilités trop à vif, inadaptées à ce que nous avons décidé être la normalité ?
Vous n'êtes pas fou et vous êtes une belle rencontre qui vient accroître les visages de celles et ceux qui constituent mes Grands Accompagnateurs. Coup double d'ailleurs, puisque nous avons été présentés par Michel Layaz, découvert avec bonheur il y a peu, pour Sans Silke.
Car c'est bien ainsi que se ressent ce livre. Pas une biographie, mais une rencontre. Michel Layaz dessine la vie de Louis, dans un récit à la composition maîtrisée et aérienne, et tous ces petits traits sur les pages, qui forment les mots et les phrases font apparaître au fur et à mesure les contours de la personnalité attachante et tourmentée de Louis Soutter.
Dès le début m'a titillé l'envie de découvrir son visage et les oeuvres évoquées. Mais je voulais aller au bout du portrait avant de découvrir le modèle. Je n'ai pas été surpris au fond, en m'apercevant que le Louis Soutter né de ma lecture était le sosie du portrait réel. Quant aux oeuvres, lire leurs descriptions sans les avoir jamais vues est un bel exercice qui ouvre des prolongements. Michel Layaz parvient à les insérer subtilement dans le récit, parfois au travers du regard d'un autre personnage, pour en faire à la fois une porte d'entrée émouvante vers l'imaginaire et les affres endurées par cet homme, et une évocation du rejet, de l'incompréhension que suscita son oeuvre chez beaucoup de ses contemporains.
Chez beaucoup, mais pas chez tous. Michel Layaz donne leur place à ces êtres sensibles aux oeuvres autant qu'à la personnalité de Louis Soutter, dans de très beaux passages à l'émotion dense. Un soutien, une adhésion, une forme de reconnaissance, mais jamais personne pour le sortir de l'asile...
La rencontre avec Louis Soutter m'a ramené trente ans en arrière et créé des ponts avec un cours de Philo en terminale, durant lequel notre professeure nous avait fait découvrir Aloïse Corbaz. Un documentaire, un article, une réflexion sur l'art brut et sur un parcours de vie troublant. Aloïse ne possédait ni les connaissances, ni la formation artistique de Louis, mais pour avoir vécu au même moment, dans le même pays, je me suis demandé ce qu'auraient pu se dire ces deux êtres si leurs chemins s'étaient croisés.
J'aimerais un jour, cher Louis Soutter, approcher vos oeuvres, dans un musée, une exposition. Tenter de vous suivre sur « les chemins de l'inquiétude », ces autres escapades au coeur de l'indicible que vous traciez sur ces feuilles qui vous ont permis de « conjurer l'inexistence ».
Et retrouver cette même émotion que vous ressentiez sans doute, lorsque vous arrêtiez de jouer du violon en plein concert, trop bouleversé par la musique.
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