Si seulement je n'avais pas déchiré celle qu'avait laissée Lebon ! Mais mort ne peut pas parler d'un mort ! Il aurait fallu trouver un prête-nom. Je ne me serais pas fait prier. Tandis que là, il faut que d'ici deux heures j'aie enterré Bonel en grandes pompes. Et je n'ai pas lu une ligne de lui !
Dès qu'une personnalité atteint un certain âge ou que la rumeur la dit malade, un spécialiste doit rédiger sa nécro car, le jour dit, tout doit être fait très vite et si, par malheur, le spécialiste est en vacances, injoignable, on ne peut improviser, surtout en ce qui concerne les écrivains. Il faut quand même avoir lu quelques-uns de leurs livres.
Moi non plus je ne l'avais pas lu, mais j'étais content de savoir que Zeami peut être un sésame qui nous ouvre le cœur des étudiantes japonaises…
« Cervantes, Panizza, Sôseki, Hoffmann ont fait parler des chiens et des chats, pourquoi ne ferais-je pas d’une mouche ma muse ? Et la mienne est si belle, avec ses ailes bleues, ses yeux apeurés, ses petites pattes si fragiles et si gracieuses qu’à les voir on en veut au commun d’appeler pattes de mouche l’écriture de vieux myopes. »
On est ainsi fait qu'une habitude, qui vous mine mais vous procure la fausse sécurité d'un ancrage, vous est plus précieuse qu'une évidence qui vous met face à face avec vous-même. On vit dans le piège qu'on a disposé pour se défendre contre une réalité crue sauvage et redoutable, sans s'apercevoir qu'on s'est enfermé avec les démons, les siens -qu'on a engraissés-, et ceux des proches -qu'on a réveillés.
« Mais toi, ma Mouche je te redessinerai jusqu’à ce que tu aies l'éclat d’un corps 12 et un caractère docile, gras ou maigre, italique ou romain, selon mon désir… »
« D'ailleurs, elle me donna une preuve d’amour qui me rendit vite honteux de mes pensées mesquines : elle me présenta à sa famille. »