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Critique de fuji


Le lecteur ne peut ignorer le sujet du livre de Sylvie le Bihan, et d'emblée la lectrice que je suis est séduite par l'emploi du style épistolaire pour dire « ce qui n'a jamais été verbalisé ».
Ce fameux secret, cet acte subi mais qui doit rester indicible comme pour mieux l'enfouir pour l'oublier. Comme si, ce qui n'est pas prononcé pouvait finir par disparaître.
« L'oubli est une stratégie de survie, un processus sélectif et dynamique, un choix imposé d'obscurité sur une partie de sa mémoire, suivi du mensonge qui pose les bases d'une autre réalité, plus facile à digérer. J'ai passé ma vie à tout contrôler pour éviter le raz de marée, à mettre en place une histoire instinctive et chaotique, à inventer le quotidien de ma prison en créant un personnage de « survivante » qui impose silence et respect, mais aujourd'hui ça m'explose à la gueule ».
Hélène et Léo, tous deux écrivains, se rencontrent lors d'un salon littéraire à Briançon, l'une dédicace, l'autre peu ou pas. Pourquoi lui, car Hélène dit : « j'imagine que le sexe qui fait jouir doit attacher, or j'ai l'ivresse facile et rarement la gueule de bois, un goût irraisonné pour les sucreries-une sweet tooth, comme disent les Anglais-et une tendance à grossir. »
Des hommes elle en a eu mais « le désir est fugace, inattendu, surprenant dans son apparition et dans sa fuite. Chaque rencontre suscite en moi l'espoir, mais très vite un besoin vital de reconnaissance et d'affection s'impose, j'ai une peur bleue de la solitude et une tendance à survaloriser l'importance de ne pas être seule, alors je panique au moindre signe de désintérêt, et de là découle l'urgence de me sentir indispensable. »
Le ton est cash, sans fioriture et le décor est planté.
Hélène a été violée à seize ans et a été laissée pour morte. Depuis c'est une survivante qui a tout enfoui, mais au détour d'un atelier d'écriture dans une prison, son passé lui revient comme un boomerang.
Pas une fois dans ce long déroulé des évènements elle ne se victimise alors que les dégâts subis sont physiques, psychologiques et familiaux. Cela accentue le fossé qu'il y a entre elle et ses parents qui ne savent pas quoi lui dire. Devant une telle horreur de l'acte les parents en font souvent trop ou pas assez. Tellement difficile de trouver l'attitude juste elle déplore leur absence mais ne les condamne pas de ne pas avoir su faire face.
Le tour de force de l'auteur est de faire de ce « roman » intimiste une histoire sans pathos.
Tenir à distance le lecteur qui ne s'identifie pas mais ressent tout de même la fracture au plus profond de son être et qui passe par toutes les couleurs de l'émotion.
Une narration tendue comme un arc avant de décocher sa flèche qui atteindra sa cible ou pas.
Les lecteurs qui n'aimeront pas, sont ceux qui n'accepteront pas que l'auteur ne soit pas une petite chose fragile ne cherchant pas des mots ou gestes de consolation comme « tout le monde ».
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 3 juin 2017

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