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Critique de talou61


Extraits du Compte-rendu de Martine Lapied dans les Annales Historiques de la Révolution Française N° 399-janvier-mars 2020

Il s'agit d'un livre général et accessible à un public non-spécialiste.
Clair et bien construit, l'ouvrage est synthétique tout en s'appuyant sur de nombreux exemples à partir de mémoires de témoins des années 1770-1830 et d'une bibliographie reflétant essentiellement des travaux français.

La problématique présentée par Christine le Bozec est une remise en cause de la théorie exposée dans de nombreux écrits qui voudraient montrer que la Révolution a été une répression pour le statut des femmes qui auraient été plus libres au XVIIIe siècle. Elle analyse les différentes phases de la Révolution en fonction de la question des femmes montrant comment à une période dynamique succèdent reculs et exclusions.

Au delà des quatre figures auxquelles on se réfère habituellement (Manon Roland, Charlotte Corday, Olympe de Gouges et Théroigne de Méricourt), l'auteur donne toute leur place, comme l'a fait Dominique Godineau, à la masse des femmes qui se sont engagées dans la crise révolutionnaire.

La première partie porte sur "Les Femmes à la veille de la Révolution française" : l'auteur s'y attaque au cliché de la liberté féminine au siècle des Lumières. Cette vision optimiste repose en grande partie sur les vitrines exceptionnelles que sont les salons où les conversations sont organisées au sein de sociétés majoritairement présidées par les femmes. A leur apogée, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les salons permettent la formation d'une opinion, les salonnières y jouant le rôle de passeuses, d'intermédiaires. Néanmoins, il s'agit d'une action dans un espace clos, privé, et non d'un accès des femmes à l'espace public ; de plus de nombreux textes écrits sur les femmes par ceux qui fréquentent les salons mettent l'accent sur l'infériorité naturelle des femmes et la médiocrité de leur éducation.
Face à cette possibilité des femmes de l'élite de jouer le rôle d'hôtesse mettant leur invité en valeur, il convient de montrer la soumission des femmes et leur manque de droits au XVIIIe siècle. Les femmes du peuple manquent d'instruction, néanmoins, elles participent à la société par leur travail et à la politique par leur rôle dans les émeutes.

La partie sur 'Les femmes en révolution" met en valeur l'implication de militantes dans des luttes ; des femmes participent aux révoltes qui précèdent la Révolution puis aux journées de mobilisation populaires mais elles n'y revendiquent pas l'égalité, elles sont aux côtés des hommes dans une dynamique de contestation politique et sociale, se montrant particulièrement sensibles aux problèmes de subsistances. Les femmes qui combattent la Révolution sont aussi étudiées sur l'aspect de leur attachement à la religion traditionnelle.
Après la période de 1789-1792, le désir d'émancipation des militantes est davantage mis en évidence. Les femmes bénéficient des évolutions sociétales liées aux transformations politiques ; la Révolution leur reconnaissant des droits civils mais non politiques. Elles profitent également de la nécessité de former les mères de futurs citoyens mais avec une instruction des filles très contrôlée.
Le printemps et l'été 1793 connaissent un pic de radicalité, avec une place spécifique des femmes qui s'engagent pour la taxation, contre la "Gironde" et qui demandent à porter les armes. Ces militantes radicales inquiètent : un coup d'arrêt est porté à la dynamique de ce mouvement à l'automne 1793 : ces mesures divisent les historiens entre ceux qui voient un antiféminisme et ceux qui estiment que ces mesures ont été contingentes aux évènements. Les femmes, proches des "Enragés" sont le puissant moteur d'un mouvement révolutionnaire dans les émeutes d'avril-mai 1795, suite la suppression du maximum en décembre 1794, et la famine de l'hiver 1795.

Dans la troisième partie de l'ouvrage intitulé "L'exclusion des femmes de la vie publique" : après les émeutes de Prairial, le reflux des droits des femmes se manifeste dans tous les domaines : chassées des tribunes de la Convention, puis de la rue. La plupart des mesures favorables aux femmes sont abolies par le Directoire puis par le Code Civil. Les femmes se replient sur le domaine privé. Ce brusque arrêt de l'engagement des femmes est marqué par une exclusion brutale de l'espace public en juin 1795 laissant la place à une phase de régression et d'étouffement jusqu'en 1830.

Livre très bien construit qui mérite une suite car après 1830 il y a eu encore des révolutions.





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