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Critique de michfred


Ce qui est formidable, d'abord, chez le Corre, c'est qu'on se retrouve dans un lieu, un vrai.

La Gironde en été : les forêts de pin sombres, impénétrables, comme une herse de barreaux dressés contre le ciel métallique ; derrière, la plage martelée de chaleur, la grande flaque grondante d'un océan de plomb fondu ; plus loin, à l'intérieur, les baraques de ferrailleurs dans la poussière de la cambrousse, les mobil homes et les cahutes des Gitans dans la moiteur des marais, et, au milieu de nulle part, les hyper marchés où l'on pousse un caddie harassé dans un air enfin respirable - conditionné .
La ville au loin , Bordeaux, avec ses boîtes de nuit, ses restaurants, ses HLM,- ses caïds, ses dealers, ses tox's, ses voleurs repentis. La ville avec sa prison.
Et l'autoroute comme un trait d'union à péage et à gendarmes entre ces deux mondes.

La deuxième chose formidable, chez le Corre, c'est qu'on y rencontre des personnes à aimer ou à haïr, mais toujours de vraies personnes, de chair, de sang, de rancoeur, de folie, de blessures, de silence, de fidélité, ou de poisse.

Des braves gars comme Frank, faux dur sorti de taule, petit frère solidaire et meurtri qui n'a rien balancé et tout pris, jeune écorché vif revenu de zonzon et de ses illusions, mais qui veut croire à un autre départ, plein de frustrations et de sève : le pigeon idéal.

Des gosses comme Rachel, petite môme meurtrie, marquée, muette, murée vive sur son manque d'amour.

Des femmes comme Jessica, belle à se damner, folle, peut-être, à lier, douce et féroce comme une panthère.

Des Vieux, pathétiques, vachards, combinards, vendus ou repentis. Des Parents Terribles , Pépère Pervers ou Protecteur, Mémère sorcière.

La troisième chose formidable chez le Corre, c'est que, quand on y a bien cru, à ce lieu, qu'on en sent les odeurs, qu'on en entend les rumeurs, qu'on en touche la moiteur, quand on s'est bien attaché à ces gens, qu'on tremble pour, qu'on vibre avec ou qu'on gronde contre , voilà que le récit monte d'un cran : la réalité devient mythe.

Voilà qu'on se met à prendre les loups pour des chiens.

Voilà qu'on voit des chiens partout : des chiens de garde, des chiens fureteurs, des chiens cureteurs, des chiens d'attaque, des chiens de combat, des Cerbère aux Enfers, des chiens des Baskerville, des chiens de terreur ou de mort ; oui, mais aussi des chiots sans défense, des Chiens Perdus sans Collier, des chiens battus, des chiens de sa chienne, des chiennes en chaleur, des chiennes lubriques - et partout des chiens de meute, des chiens de curée, des chiens d'hallali.

Et des chiens crevés dans une chienne de vie.

Pas un mot de plus sur le piège à loups qui referme sur nous ses mâchoires d'acier : on est enchaîné, happé, avalé, engouffré. Pas moyen de respirer… jusqu'à la dernière page.

Parce que la quatrième chose formidable chez le Corre c'est le style.

Ciselé, fulgurant, brutalement poétique, doucement violent, magiquement évocateur, sensuel ou déchirant, toujours sobre, toujours original. Évitant les clichés si nombreux dans le polar qu'ils en deviennent des "topoï"…

Un style qui donne soif, qui donne chaud, qui fiche les boules, qui donne la rage - un style qui déménage !

Encore une fois, merci à Pecosa qui m'a toujours fait découvrir des bouquins formidables –les livres de Javier Cercas entre autres- et à qui je dois la découverte de le Corre, le breton bordelais, un grand, un très grand auteur de roman noir.

Un auteur formidable!


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