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Critique de JabyOby


Habituellement, la SF explore le futur au travers des avancées des sciences dites « dures » : découvertes en physique, en technologie, en informatique, etc. Le Guin s'intéresse davantage aux sciences humaines, à savoir la sociologie et l'anthropologie. Plusieurs nouvelles sont des « psychomythes » : des histoires centrées sur les sentiments et la psychologie des personnages. Ils se placent dans des cadres futuristes qui répondent aux codes et abordent des thématiques propres à la SF, mais on se rend vite compte qu'ils ont en fait une portée universelle.
Par exemple, parler de la technologie du clonage permet de questionner à quel point nos relations sociales définissent notre identité dans Neuf existences. Ou raconter des missions d'exploration d'autres planètes est juste un cadre pour parler de l'utilité concrète de l'empathie dans Plus vaste qu'un empire, ou bien l'importance de nos sens (vue, ouïe) pour nous connecter aux autres et au spirituel dans le champ de vision.

L'auteure utilise brillamment les codes des genres littéraires pour orienter les attentes. Quand elle en change au milieu d'une nouvelle, d'un coup c'est toute la perception des enjeux qui se retrouve bousculée ! La grande quête de toute une vie caractéristique de la fantasy paraît insignifiante lorsqu'on bascule dans de la science-fiction à échelle d'une galaxie par exemple.

Les nouvelles explorent des univers super intéressants et ont des concepts forts. En découvrant ces univers, je comprends tout à fait que l'auteure ait eu envie de les développer en séries de romans les possibilités qu'ils offrent.

Plusieurs fois, les nouvelles évoquent la fascination pour des connaissances. Interdites, inconcevables ou n'intéressant que soi, cette soif d'apprendre qu'ont les personnages est bien souvent le moteur et l'enjeu de l'histoire. La Science permet aussi d'entrevoir des vérités vertigineuses.

J'ai beaucoup aimé la nouvelle "Ceux qui partent d'Omelas".

Les nouvelles ont été écrites sur une période de 11 ans. C'est intéressant de voir le style et les thématiques évoluer au fur et à mesure.
Plus les années passent et plus les histoires se permettent d'aborder des thèmes sombres (la folie, le sentiment de profonde solitude, ...) et engagés (critique de ce qui cause l'aliénation, l'inaction face à l'inacceptable, la description d'une utopie anarchiste, la révolution...).
On voit aussi des références très claires à sa propre vie au moment où elle écrit. Par exemple, Avril à Paris montre un personnage qui est chercheur en poésie médiévale. En retirant les histoires d'alchimie et en remplaçant « Villion » par « Ronsart », c'est exactement la situation de le Guin lorsqu'elle travaillait sur sa thèse. Quand elle nous parle directement en temps qu'auteure dans Ceux qui partent d'Omelas, c'est aussi une part de sa vie et de sa vision du monde qu'elle partage.
Et enfin, on retrouve de manière flagrante ce parallèle dans la toute dernière nouvelle, À la veille de la révolution, où une très vieille révolutionnaire anarchiste repense au passé, à ses combats et à tous ceux encore à mener...

Au final, c'est un petit recueil très sympa à lire ! Les univers sont foisonnants, les personnages diversifiés et vivants, les thèmes abordés super intéressants. Vraiment une très belle découverte.
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