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Citations sur Le bateau (6)

page 227 Hiroshima [...] Où est Grande Sœur ? ai-je demandé à Mère. Sumi n'a pas obtenu de permis de voyager, alors qu'elle avait la possibilité d'être évacuée, m'a-t-elle répondu. Elle te recommande de travailler dur à la ferme pour éviter la pénurie. Bien sûr que je vais travailler dur. Sumi est une citoyenne dévouée, a insisté Mère. Le jour elle est mobilisée, la nuit elle travaille dans une usine de munitions. Je la revois sous la pluie, le visage luisant. Père ne la regardait pas. Elle te recommande de ne pas oublier la voie du Bushido. Mère s'est endormie, la tête sur les vêtements d'été qu'elle m'a apportés. Maintenant ils sont mouillés et froids contre ma peau. Le vent souffle toujours aussi fort. Cette nuit la pièce est pleine de ténèbres et de murmures. Les cheveux de Mère sentent les chrysanthèmes et l'huile de pin, et je tente de m'endormir avec le souvenir de ce parfum dans mes narines. L'Empereur est assis sur les Trône Chrysanthème et il est notre Père. Des fleurs tombent du ciel. J'ai les paupières lourdes et Mère est debout près du camion. Les autres mères sont déjà à l'intérieur, en pleurs. Je voudrais te confier ceci. Fixez l'objectif, dit l'homme aux dents de lapin. Le ciel est du même vert que les feuilles du prunier à la tombée de la nuit. Je suis au milieu, entre Mère assise à ma gauche dans son plus beau kimono et Père assis à ma droite dans son joe blanc et sa coiffe. Derrière moi, Grande Sœur avec son badge, son brassard et son bandeau de secouriste. Nous regardons l'objectif. Mère tient la photo de Grand Frère devant elle. Père a une main posée sur une statue en bronze de Kannon, déesse de la Pitié. Ne clignez plus des yeux. Mais tout devient blanc - la boite noire disparait - et je cligne des yeux. J'ai désobéi. Ce n'est qu'un éclair de magnésium, dit Père. Il se moque de moi. N'aie pas peur, dit-il. On dirait qu'il va pleuvoir. Les nuages sont verdâtres. La poste militaire l'a renvoyée avec la dernière lettre, explique Mère. Je voudrais te la confier. Je contemple la photo. Grand Frère n'est donc pas dans un lieu tenu secret ? Lorsque je relève la tête, Mère a un étrange sourire et je m'aperçois qu'elle pleure. Ton frère est désormais en sécurité, dit-elle. [...]
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Durant quelques instants, je suis devenu mon père contemplant son fils endormi, assailli par le souvenir de ce que – dans l’intérêt de ce fils – il avait tenté, sans relâche, d’oublier. Un passé trop vaste pour la plainte, trop périlleux pour la mémoire. (p. 42, “L’amour, l’honneur, la pitié, l’orgueil, la compassion, le sacrifice”).
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J'ai rassemblé au plus vite les paquets de cigarettes, les cachets pour dormir, les porte-encens, et j'ai fourré le tout sur l'étagère du haut, derrière mon édition complète de Kafka.
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J'ai pris conscience que la surface d'une rivière mettait des heures, voire des jours à geler - à retenir dans sa peau un monde d'une perfection cristalline -, et qu'il suffisait pour faire voler ce monde en éclats d'une pierre lâchée comme une simple syllabe.
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Mais je ne savais rien et, tandis que j'attendais et que le vent tournait, j'ai simplement vu un homme s'avancer vers moi, ridicule dans un anorak trop grand pour lui, frottant l'une contre l'autre ses mains noires de suie, traversant la fumée avec ses particules et ses tourbillons teintés par les flammes, un homme qui s'était détruit, une fois encore, en mon nom. Il tournait le dos à la rivière. Le vent était plein d'acidité. Dans ce lent flot de lumière j'ai regardé en contrebas. La rivière sur le point de geler miroitait ça et là, formant de grosses bulles luminescentes. L'eau, là où elle coulait encore était noire et torsadée. J'ai pris conscience que la surface d'une rivière mettait des heures, voire des jours à geler - à retenir dans sa peau un monde d'une perfection cristalline -, et qu'il suffisait pour faire voler ce monde en éclats d'une pierre lâchée comme une simple syllabe.
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Paul avait retroussé ses manches pour casser une pince [de crabe], ses ongles carrés étincelant dans la vapeur. » (p. 255, “Ici Téhéran”)
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