J'ai lu la préface fort instructive de
Didier Lett et j'ai appris un nouveau mot : adelphique, issu du grec (j'ai pris soin de vérifier !) adelphos – adelphi signifiant frère-soeur. J'aime bien sa musicalité. Cette consonance toute antique nous ramène à l'universalité quasi sacrée des liens indéfectibles du sang. L'auteur étant agrégé d'histoire, spécialiste de l'enfance et de la famille, nous propose un voyage dans le temps au travers de ce recueil de
correspondances de personnages célèbres ou anonymes. Je l'ai commencé par la fin et j'ai remonté le fil du temps. le ton change. Curieusement les sentiments s'expriment avec davantage d'emphase :
Franz Schubert « Tu es mon ami le plus intime attaché à toutes les fibres de mon âme »
Dostoïevski « Je te remercie de toute mon âme, mon bon frère […]tu ne peux croire quel doux frémissement du coeur j'éprouve quand on m'apporte une lettre de toi . »
Balzac « Très chère soeur, je commence par te dire que je t'aime de tout mon coeur et que je t'embrasse de peur de l'oublier dans le courant de ma lettre. »
L'amour est souvent exacerbé, parfois fusionnel voir incestueux. Cela peut s'expliquer par le décès prématuré des parents laissant de jeunes enfants qui se tournent alors vers leurs frères et soeurs ou également par une éducation qui se fait en pension, les liens parentaux sont alors très distanciés. Ainsi la confusion entre fonction paternelle et fraternelle engendre un surinvestissement de la relation dans laquelle s'inscrivent les hiérarchies du rang de naissance, de sexe et de fonction.
La lecture de ces
correspondances nous plonge au coeur de moments historiques tragiques comme la découverte d'un camp de concentration, la grande guerre. Elle nous dévoile également l'intimité de personnages publiques. J'ai particulièrement été touchée par cette lettre de
Dostoïevski dans laquelle il raconte comment il a échappé de justesse à une condamnation à mort programmée.
Je remercie Babelio et les éditions
Le Robert pour cette belle découverte d'une collection qui regroupe également
lettres à mon père et
lettres à ma mère.