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Critique de Aquilon62


On a tous dans un coin de notre inconscient, comme gravée, tel un hiéroglyphe, une image des dessins issue de "La Description de l'Égypte" qui représente soit le Sphinx dont seule la tête émerge du sable, soit le temple d'Abou-Simbel à demi enseveli dans le sable,

Et bien ce livre dont la couverture a attiré mon oeil, au milieu d'autres titres de la rentrée littéraire, comme émergeant des Sables du désert égyptien. Unique exemplaire perdu dans des piles de livres tels les pylônes du Ramesseum.
Et je dois bien l'avouer je suis tombé sur une PÉPITE, un TRÉSOR....

Claudine le Tourneur d'Ison, nous invite à suivre Champollion, celui qui disait "Je suis tout à l'Égypte, elle est tout pour moi", et qu'elle nous présente, à juste titre comme s'inscrivant "dans la lignée de génies comme Pythagore, Archimède, Kepler, Galilée ou Newton qui ne se contentèrent pas de regarder le monde mais s'acharnèrent à le comprendre.", lors de son voyage en Égypte en 1828/1829. Tel Jason et ses Argonautes...
Et quel voyage, on a le sentiment tout au long de l'ouvrage d'être immergés dans ces gravures anciennes tant les mots et l'écriture nous emmènent loin : "François s'étonne des modulations constantes de la nature. Sur la rive orientale, des raies de verdure émeraude, palmiers doums et cannes à sucre. À l'occident, une plaine d'or pâle. Nuées d'oiseaux annonceur du tropique. Crocodiles assoupis sur les rivages. La lumière de plus en plus belle et puissante embellit chaque détail du paysage, rompant la monotonie d'un fleuve coulant perpétuellement entre deux montagnes". On s'y voit....

D'Alexandrie point de départ de sa remontée du Nil:
"Aux yeux de Champollion, Alexandrie n'est pas l'Égypte. C'est une légende, un mythe où l'on pose le pied sur le mille-feuille du passé, où se réduisit en une fumée légendaire tout le savoir du monde contenu dans neuf cent mille rouleaux de papyrus lors de l'incendie de la féerique bibliothèque. Des cendres a jailli une nostalgie nourrit par les siècles. Enfouie dans les ténèbres, l'Alexandrie fondée aux portes du désert par le conquérant macédonien, cette cité florissante des Ptolémées, sous les califes arabes la ville de Strabon s'est évanouie dans l'indigence."
Jusqu'aux portes de la Nubie, avant de descendre le fleuve par la Vallée des Rois et son retour chaotique et" humiliant" en France.

Dans l'imaginaire collectif Champollion c'est le déchiffrement des hiéroglyphes :
"Après des années d'efforts, d'études, de tâtonnements, il ne cesse de progresser. En mai 1821, il a compris que l'écriture hiératique est une simplification de l'écriture hiéroglyphique, puis que le hiératique et le démotique dérivent des hiéroglyphes. le jour de ses trente-et-un ans, le 23 décembre 1821, sa vision s'illumine. À partir du décompte des mots dans les trois retranscriptions du même texte, grec, démotique, hiéroglyphique de la pierre de Rosette, il réalise, stupéfait, qu'à quatre cent quatre-vingt-six mots grecs correspondent quatre cent dix-neuf hiéroglyphes. Il en déduit que l'écriture n'est ni symbolique, ni seulement idéographique ou alphabétique mais phonétique. Cette découverte le propulse à deux doigts de l'énigme. En janvier 1822, lui parvient la retranscription d'un texte où, comparant le cartouche de Ptolémée à celui de Cléopâtre, il retrouve le lion couché qui dans les deux cas représente L. C'est une lettre supplémentaire ajoutée à son alphabet hiéroglyphique. Il sait qu'il est proche du but. Poussé par l'exaltation, il en perd le sommeil, travaillant jour et nuit comme un boulimique jamais rassasié. Il s'empare de tous les cartouches renfermant en hiéroglyphes, les noms des souverains étrangers. Surgissent alors, comme par magie, les inscriptions[...] Début septembre 1822, cloîtré dans le grenier aménagé en bureau, rue Mazarine à Paris, comme un forcené entrevoit la liberté, il avance dans un état de transe, étudiant et rassemblant les éléments qui peu à peu vont l'amener à la lumière. Après l'accueil enthousiaste de l'Académie des Inscriptions à son mémoire sur le démotique un mois plus tôt où enfin il ne fut plus le proscrit désespéré, il sent, dans un état de fièvre permanent, qu'il tient la clé au bout de ses doigts et que la serrure se rapproche. Debout à l'aube, le 14 septembre, il n'a quasiment pas dormi. Un coursier lui dépose des reproductions de bas-reliefs effectués récemment à Abou Simbel par Jean-Nicolas Huyot, professeur d'architecture et membre de l'Institut. Un cartouche lui saute aux yeux. Il y reconnaît le disque solaire, le signe S et au milieu une lettre à trois jambages. Soleil en copte se dit RA et la lettre finale est S. le souffle court, il murmure Ramsès, le plus illustre des pharaons. Pouvait-il rêver plus fabuleux, plus éblouissant ! L'Égypte s'ouvre soudain à lui par l'apogée de sa civilisation. Pris de vertige face à une telle révélation, il se fait violence pour vérifier qu'il a bien rassemblé tous les morceaux du puzzle et que ce qui s'offre là, sous ses yeux, c'est bien le système en entier. Un système non pas double mais triple : phonétique, alphabétique et idéographique."

L'auteure nous dit :" Sous son regard, les bas-reliefs vont commencer à parler, la mémoire à traverser le temps. En inaugurant cette lignée des grands chercheurs des sciences du langage, il a rendu l'écriture hiéroglyphique compréhensible et, avec elle, toute l'histoire des rois, des dieux, du peuple. Il fait remonter de la nuit des tombeaux, la voix de l'Être divin, le chant de l'oeil du Monde, la musique de la Lumière Céleste, le murmure du Flux Primordial."
Au risque de la paraphraser :
Sous son écriture, Champollion se révèle à nous tels les hiéroglyphes. Nous remontons le temps quand lui remonte le Nil. En nous liant à cet homme passionné, Claudine le Tourneur d'Ison nous gratifie de la découverte de ce personnage, que l'on pense connaître. Nous entrons dans les tombeaux avec lui, nous partageons sa passion pour l'Égypte, nous posons notre regard, avec le sien, sur ces merveilles antiques. Nous écoutons et ressentons ses colères. Nous partageons ses enthousiasmes et joies.

"Courir de merveilles en merveilles… il n'aura pas assez des six mois qu'il va passer dans ce fabuleux condensé de la civilisation égyptienne à son apogée pour en extraire toute la substantifique moelle. Il y concentre son énergie, ses forces physiques et sa puissance intellectuelle. Ses extases sur la beauté s'entremêlent à ses exaltations face à la richesse de ce qu'il découvre. Tout ce qu'il avait imaginé, pressenti, espéré, rêvé même, tout est là qui s'offre à lui sans limite que celle du temps trop court dont il dispose. Alors pour compenser cette fuite des jours, il étire les journées à l'extrême, refusant tout compromis avec la fatigue." Voilà ce que sera, on le sait moins, son seul et unique voyage en Égypte.

Après " le lion d'Alexandrie: le voyage inouï où Marc inventa l'Evangile" de Jean-Philippe Fabre, encore un très bel ouvrage des Éditions du Cerf.
Romans Vrais ou Vrais romans ? Une certitude Vraies Réussites.
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