Je quitte le sport, non parce que je ne l'aime plus, mais parce que je ne veux pas, un jour, risquer de ne plus l'aimer.
Les jours de fête, Alfred, tu les gardes bien au fond de ton coeur pour les jours d'épreuve.
Son frère raconte à qui veut l'entendre que ses yeux sont devenus tristes. Il a raison. Il ne les regarde plus. Il n'allume plus la lumière quand il entre dans la salle de bains. Il n'arrive même plus à rire d'une blague, c'est dire.
Ce voile, il le sent sur tout son corps. Il devrait s'arrêter là. Préserver ceux qui l'aiment d'un spectacle pitoyable. Et pourtant, il s'aligne. Aux côtés d'Alex et de Yoyo, ses deux mousquetaires. Sous le regard d'Alban le magicien. Devant ses frères, sa soeur, ses parents venus d'Algérie. Il s'aligne comme un automate, guidé par une force qui lui échappe. Il n'entend rien de la clameur qui court dans les gradins, ni des envolées du speaker déchaîné. Il entre en lui-même, imperméable au monde qui l'entoure.
Il tire la langue et fait des yeux tout ronds. Face aux cons, autant faire le clown.
Obéir aux nazis, pour les juifs, c'est accepter de s'effacer. De disparaître.
Un bout de pain, de simples épluchures de pommes de terre, une cigarette sont, physiquement d'un apport presque nul. Mais les yeux de celui qui reçoit peuvent irradier un tel sourire, une telle lueur de consolation, qu'il ne faut pas se laisser retenir par la médiocrité du geste.
Il n'y a rien de plus triste que le vieux champion qui se fait battre par tout le monde parce qu'il n'est plus ce qu'il a été, parce qu'il n'a pas voulu désarmer. Il ressemble un peu à ces vieilles dames qui continuent à minauder quand l'heure est passée.
Auschwitz, Février 1944
A l'eau, Nakache ! Ne nous fais pas attendre, tout l'état major est là pour t'admirer , mon vieux.
L'officier Muller, responsable d'Auschwitz, du bâtiment de l'infirmerie, jubile. Nakache recordman du monde de 200 mètres brasse , est son divertissement préféré.
( page 12)
Il faut suivre son instinct. Je quitte le sport, non parce que je ne l'aime plus, mais parce que je ne veux pas, un jour, risquer de ne plus l'aimer.
. Pierre de Coubertin lui-même assure que l’esprit olympique est respecté par Hitler. » (p. 89)