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Critique de soniaboulimiquedeslivres


Un polar engagé d'une noirceur absolue, en plein coeur de la prostitution nigériane.

A Paris, en juin 2019, Serena Monnier, journaliste au Monde, fait la connaissance de Jasmine, jeune prostituée nigériane. Jasmine parvient à s'enfuir, son affaire fait grand bruit, elle se porte partie civile, soutenue par une association, et dénonce le proxénétisme nigérian. Serena décide de se rendre au Nigeria pour remonter la filière et enquêter.

« La fugitive jaugea longuement Serena Monnier, avant de passer la langue sur les lèvres et de s'éclaircir la voix.

– Je m'appelle Jasmine Dooyum, dit-elle d'une voix franche. Je vais bientôt fêter mes quinze ans et je veux vivre. »

En janvier 2020, Oni Goje, ancien flic muté à la sécurité routière, 53 ans, découvre lors d'une patrouille de routine au Nord du Nigeria, les corps de deux jeunes filles, déposées nues sur un tas d'ordures. Au même moment, Serena débarque au Nigeria, accueillie par une ONG locale luttant pour le droit des femmes, « Free Queens ». Ce que la jeune femme va découvrir est bien loin de ce qu'elle imaginait.

Marin Ledun nous livre un roman poignant. A travers les personnages d'Oni et de Serena, il nous dresse un portrait sombre du Nigeria. Ses trafics, sa corruption, ses réseaux de prostitution. Derrière tout cela se cache l'industrie de la bière. Il faut savoir que l'Afrique est aujourd'hui l'un des continents où l'on consomme le plus de bière, grâce notamment à l'élévation du niveau de vie. Cela représente une véritable opportunité pour les grands groupes brassicoles, qui voient là de nouveaux marchés à conquérir. La concurrence fait rage. Pour s'imposer dans le pays, une entreprise productrice de bière décide d'utiliser des méthodes plus que douteuses : elle va utiliser des prostituées pour vendre sa bière.

Marin mélange la réalité à la fiction (il y a réellement eu une enquête journalistique menée par Olivier van Beemen au sujet des dérives d'une grande marque de bière). Dans « Free Queens », la marque de bière est inventée, nous sommes dans un polar, pas dans un essai ou un témoignage. Néanmoins, la pauvre lectrice que je suis n'a pas pu s'empêcher de penser que tout cela existe réellement….

La plume de Marin est directe, sobre, acérée, sans concession, presque journalistique, faisant de « Free Queens » un roman époustouflant dans lequel il embarque le lecteur dans les tréfonds sociaux et politiques du Nigeria, et plus particulièrement des régions du Nord, à Kaduna, plus pauvres.

Marin nous parle de l'inconcevable et va jusqu'au bout de l'horreur. « Free Queens » est un roman ultra documenté, à l'enquête très poussée, le lecteur découvre une masse d'informations sur le Nigeria, et se rend compte avec effroi des répercussions de ces trafics d'êtres humains qui ont des ramifications jusqu'en France et en Europe. C'est juste glaçant.

« Grâce à la corruption, à l'instabilité et aux guerres de religion. Simple, efficace. Et déraisonnablement possible dans un pays comme le Nigeria. »

Les personnages sont poignants. Goje, tout d'abord, est un bon père de famille qui s'investit pour ses enfants et sa femme. Il n'aura de cesse de mettre un nom sur ces deux cadavres. Aucune enquête n'a été diligentée pour savoir qui elles sont et encore moins pour retrouver le ou les coupables de ces meurtres. Deux prostituées de plus ou de moins…Ce ne sont pas des femmes, ce sont « juste » des putes. Serena, quant à elle, prendra tous les risques pour aller jusqu'au bout de son enquête, afin de livrer au monde un article au plus près de la réalité. Elle fera fi des nombreuses menaces reçues. A trop remuer la merde…

Les personnages secondaires sont nombreux, chacun trouve sa place dans ce nid de vipères, ils apportent leur pierre à l'édifice, qu'ils soient bons ou méchants. On passe plus ou moins de temps avec eux, on essaye de tisser des liens avec certains.

Quant à la fin, OMG comment est-ce possible ? J'ai été achevée, tout simplement…

Je ressors de cette lecture totalement vidée, et surtout révoltée. J'aime les auteurs qui ont le courage de dénoncer des pratiques horribles, de lancer un pavé dans la mare. Une lecture éprouvante mais nécessaire. Bon, perso, je ne suis pas prête à reboire une bière…

« le sexe, le fric et une First. On n'avait rien inventé de mieux pour réconcilier un imam, un prêtre, un sorcier et un militaire nigérians, tous quatre la main dans la culotte et le nez vissé dans le soutien-gorge balconnet d'une très belle et très jeune hôtesse telle qu'Ebele. »

Je remercie les Éditions Gallimard et Polar Connection pour cette lecture.

#FreeQueens #MarinLedun #Gallimard
Lien : https://soniaboulimiquedesli..
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