Citations sur Un beau matin d'été (14)
On osait croire que cette intolérable nuit du savoir allait prendre fin et que lire, écrire et parler pourraient se faire avec quelques liberté.
Les hommes espéraient que leurs fils auraient la possibilité de devenir artisans au lieu d'être traités en serfs, et leurs filles citoyennes et non plus putains du foyer, que le soir enfin on pourrait entendre les enfants s'en revenir de leurs écoles neuves et étonner tout le monde de leur savoir.
L'Afrique, l'Espagne, la vaste courbure de la baie tout brillait sous une forte couleur de bronze. Tout, sauf ce rocher qui faisait figure d'intrus.
C'en était à croire qu'on l'avait remorqué de Porsmouth et débarqué là, à quelques encablures de la côte, avec son petit toit de mauvais temps encore sur la tête.
Il n’y avait vraiment aucune raison de se presser. Je n’allais nulle part… N’avais d’autre but que l’endroit même où je me trouvais, là, tout près de la chaleur épicée de cette terre étrangère que j’avais à quelques centimètres du visage. Jamais encore je ne m’étais senti aussi repu de temps, aussi libéré du besoin de faire ou de bouger. (p. 127, Chapitre 6, “De Ségovie à Madrid”).
Le village était maintenant, plus nettement que jamais, scindé en deux factions qui, s’étant déclarées, pour plus de commodité sans doute, l’une «fasciste» et l’autre «communiste», s’opposaient enfin de manière radicale. Les « fascistes » semblaient prêts à se faire appeler ainsi : à parler franc, le fascisme était d’ailleurs très exactement ce à quoi ils aspiraient. Fer de lance de la vengeance huppée, la Phalange s’était déjà organisée en groupes de combats. Leurs sigles sans ambiguïté, d’inspiration nettement italienne, commençaient à faire leur apparition sur les murs et les portes.
A pied j'étais passé par des villages misérables où, dans le vent et la poussière, des foules d'enfants m'avaient accompagné le long des rues. Les prêtres et les femmes se signaient dès qu'ils m'apercevaient.
Quand on dort avec son chien, on se réveille avec des puces.
J'y avais accepté que, bien gras et bien riche, le gros bonnet contemplât tout d'un œil vitreux alors qu'au marché, des hommes se battaient pour quelques déchets, que d'aimables vierges de la haute vinssent à l'église en carrosse alors que des mendiantes accouchaient dans les coins de portes [...]. J'avais cru que les uns et les autres faisaient tout simplement partie du tableau et ne m'étais jamais posé la question de savoir si c'était juste ou injuste. [...] J'eus pour la première fois conscience que le grabuge n'allait pas tarder.
La terre bien chaude tout contre moi, je restais allongé sur le ventre et ne tardai pas à oublier le froid de la rosée et les loups de la nuit.
m'éveiller à l'aurore au flanc d'une colline et contempler un monde qu'aucun de mes mots ne savait dire, commencer au commencement, muettement, sans projet précis et dans des lieux qui, pour moi, étaient libres de tout souvenir, c'était très précisément pour ça que j'étais venu en ce lieu.
Je remarquai vite qu'il s'y trouvait beaucoup d'autres voyageurs, et que tous, nous avancions vers le nord en une sombre et lente procession. Si certains étaient vagabonds professionnels, la majorité appartenait à la grande armée des chômeurs qui, à cette époque-là, errait sans but à travers toute l'Angleterre.
L’étiquette de « communiste », en revanche, manquait singulièrement de personnalité, vague fourre-tout ne convenant au fond à personne. La main-d’œuvre agricole, les pêcheurs et la poignée d’ouvriers du coin avaient certes tous des intérêts communs, mais très distincts. Chacun considérait son combat comme bien antérieur au communisme, y voyait quelque chose d’exclusivement espagnol, relevant d’une subversion de la société qu’il était seul à pouvoir maîtriser, en vertu de son appartenance à ce paysage singulier.