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Critique de sylviedoc


"L"apiculteur d'Alep" est un de ces romans dont il est difficile de faire la critique à chaud, il faut d'abord s'imprégner de tous les aspects, revenir sur certains passages, prendre un peu de recul. Je l'ai terminé il y a 4 jours, il a inspiré mes rêves les deux nuits suivantes (entre les réfugiés et le covid, c'était pas très joyeux ), et j'ai lu tout à fait autre chose entre-temps. Là c'est bon, je me sens prête !
Merci encore à Babelio et aux éditions du Seuil pour l'envoi de ce livre en Masse Critique Privilégiée. D'emblée le sujet m'intéressait, donc j'étais ravie de la proposition. Mais je ne m'attendais pas à être aussi touchée par la façon dont Christy Lefteri le traite, on comprend très vite qu'elle a vu de près les situations dramatiques dont elle parle, ce n'est pas de descriptions extérieures dont il est question, même si les personnages principaux sont fictifs. Elle y a mis son vécu, de l'empathie et nous immerge totalement dans ces camps où les réfugiés sont trop souvent livrés à eux-mêmes, méprisés et renvoyés d'un endroit à l'autre sans savoir si leurs démarches vont aboutir un jour.
Le livre est construit en 14 chapitres, chacun scindé en 2 parties : la première nous relate le quotidien dans une pension londonienne de Nuri l'apiculteur (la petite abeille sous chaque numéro de chapitre nous rappelle l'importance de son métier) et de sa femme Afra, qui ne voit plus le monde depuis le décès de leur jeune fils Sami. sous ses yeux. La transition avec la deuxième partie se fait grâce à deux mots-liaison fin d'une phrase et début d'une autre. Là nous découvrons le long voyage depuis la fuite d'Alep en ruines suite aux combats entre les partisans de Bachar El-Assad et les opposants au régime.
Les passeurs plus ou moins fiables, les conditions de plus en plus précaires, d'abord en Turquie, puis par bateau jusqu'à une île grecque, et une autre, et ensuite à Athènes (là où l'auteure a travaillé en tant que bénévole), pour espérer rejoindre leurs proches en Angleterre, cet Eden qui semble de jour en jour plus inaccessible.
Au cours de cet exode, Nuri se remémore sa vie d'avant à Alep, quand tout leur souriait, son affaire montée avec le cousin Mustafa qui lui a transmis son savoir et son amour des abeilles, les tableaux peints par Afra, une artiste reconnue, le bonheur avec leur petit Sami...
Il essaie aussi de "retrouver" sa femme, perdue dans les ténèbres de sa tristesse et qu'il ne reconnaît plus.
Leur route croise celle de nombreuses personnes souvent encore plus démunies qu'eux-mêmes, parfois aussi animées de mauvaises intentions. Certains marquent durablement, comme par exemple Mohammed, un petit garçon isolé auquel Nuri va s'attacher. Mais d'où vient-il vraiment ? A Londres, la pension abrite d'autres réfugiés en attente de régularisation : le Marocain, un vieux monsieur compatissant, et Diomande, un jeune Ivoirien qui a lui aussi traversé bien des épreuves pour arriver à Londres. Ils attendent ensemble le fameux entretien qui leur permettra peut-être d'obtenir le sésame pour ne pas être expulsés. Nuri s'échappe dans ses rêveries et perd parfois le contact avec la réalité.
Certains penseront peut-être que j'en dis trop, mais ce récit est tellement riche qu'on ne peut en donner qu'une brève impression, il faut vraiment s'immerger dedans pour le ressentir, et je n'emploie pas ce mot par hasard, c'est réellement une expérience sensorielle, on voit les différents lieux où Nuri et Afra séjournent, on sent les odeurs autour d'eux, on entend le bourdonnement des abeilles et les cris dans les camps, on goûte le miel des ruches de Mustafa et on ressent la dureté du sol où dorment les migrants dans les camps.
C'est une lecture difficile et douce en même temps, car il n'y a pas de misérabilisme et l'espoir est présent malgré les aléas. Et elle nous fait prendre conscience, si ce n'était pas encore fait, de la façon indigne dont sont traités ceux qui ont déjà tant perdu.
Un livre qui laissera sa trace en moi.
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