Les mathématiques sont partout, même si percevoir cette présence exige une certaine culture. L'attrait des mathématiques est cependant souvent ailleurs, dans leur esthétique intrinsèque qui en fait une forme d'art. Il est difficile de montrer l'utilité et la beauté de la discipline au béotien. C'est le but de cet ouvrage, et j'espère de tout cœur l'avoir atteint.
La plus célèbre des conjectures (une propriété qu’on pense vraie, mais qu’on ne sait pas démontrer) concernant les nombres premiers est sans doute celle de Goldbach. Elle date de 1742, mais a été remodelée par Euler à qui elle a résisté comme à tous les mathématiciens depuis. Sa simplicité apparente ajoute à la fascination qu’elle exerce : "Tout nombre pair (à partir de 4) est somme de deux nombres premiers".
Quitte à être un peu lourd, insistons sur le fait que pour être compris, cet énoncé ne demande que de savoir répondre à deux questions : qu’est-ce qu’un nombre pair. Qu’est-ce qu’un nombre premier. En outre, il est facile à vérifier pour de petits nombres : 4 = 2 + 2, 6 = 3 + 3, 8 = 3 + 5, 1 000 = 17 + 983, …, 389 965 026 819 938 = 5 569 + 389 965 026 814 369, etc. Et pourtant, il défie même les plus grands mathématiciens.
...Kurt Gödel lâcha sa bombe en 1931: il existe des théorèmes vrais, mais indémontrables! L'idée de Gödel fut comme un tremblement de terre dont les secousses se firent sentir jusque dans la société civile. Des philosophes s'en emparèrent, notamment pour affirmer un peu vite que le monde naturel et humain était assujetti à des vérités destinées à échapper pour toujours à notre investigation.
Saviez-vous que les premiers mathématiciens portaient des peaux de bêtes et mangeaient de l'antilope au dîner ? Que les aborigènes faisaient des mathématiques sans le savoir ? Que les concours de jeux mathématiques n'ont pas été inventés par les rédacteurs des suppléments d'été des magazines, mais qu'ils étaient déjà à la mode en Italie à la Renaissance ? Que certains théorèmes sont vrais sans qu'on soit capable de le démontrer ?
Le mathématicien Leopold Kronecker (1823-1891) avait résumé cette idée en disant : « Dieu a fait le nombre entier, tout le reste est l'œuvre des hommes. »