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Critique de afriqueah


Longue lettre destinée à l'amour de sa vie, transformée par les circonstances à un monologue, puisqu'elle s'adresse à un absent, ou à un essai de rattraper le temps du définitif passage dans l'autre monde.
Avec des mots fondants, des phrases qui percutent le fond du coeur, l'auteur David Lehait-Helo parle d'amour, l'amour qui lui a été arraché :
« Une minuscule escale pour rattraper ce temps échappé, arraché, et te dire l'après-toi, le sans-toi, la béance à chaque seconde de mes jours, la douloureuse colère depuis ta vie suspendue, l'amour de toi qui me cogne au-dedans sans jamais plus te parvenir. »
La douleur est là, bien évidemment, et pourtant elle nous fait rencontrer une communauté qui se forme lorsqu'on perd un être cher :
Sa mère, en premier, à qui on arrache son fils, qui désormais aura des lendemains avortés ;
Ses amis à lui, qu'il ne connaissait pas, car ils vivaient leur amour dans une bulle loin du monde.
L'auteur nous parle de son passé, de ses déboires amoureux, et de sa rencontre avec celui qui deviendra son rempart, sa force, son avenir,« avec une évidence ahurissante ».
Loin des analyses sur la mort que j'ai tellement lues, Poussière d'homme livre depuis le coeur, marqué au fer rouge, ce qu'il a vécu et ce qu'il vit : « une immense fracture de l'âme », un mauvais rêve dont il ne pensait pas qu'il pouvait lui advenir.
Et d'ailleurs, il doute : l'autre va revenir, sans doute est-il parti, sûrement il est seulement parti et reviendra : surprise !
Tout ce que l'être humain invente pour ne pas mourir sur place, foudroyé, pour gagner du temps à réaliser l'insupportable, pour louvoyer avec le réel, l'envie ensuite de partir là où l'autre réside, puis le désir de mourir tout simplement.
« Je suis démuni sans cette oreille attentive, cette parole apaisante, cette présence évidente. La vie nous apprend à acquérir, à conquérir, rarement à nous dessaisir. »
Magnifique poème d'amour, avec ses époques depuis le vide : manque, colère, déni, attente, culpabilité d'être vivant et toujours le monde, dont il aurait bien voulu l'arrêt : ce monde persiste malgré l'absence.
Au risque de me répéter, parce que l'émotion me gagne en écrivant, enfin parce que David Lelait aurait pu écrire cela, je cite le poème de W H Auden que j'avais joint à la chronique de Nicky, qui m'avait déjà fait bien pleurer, et qui m'avait bien aidée, surtout :

Arrêter les pendules, couper le téléphone,

Empêcher le chien d'aboyer pour l'os que je lui donne,

Faire taire les pianos et les roulements de tambour

Sortir le cercueil avant la fin du jour.


Que les avions qui hurlent au dehors

Dessinent ces trois mots
Il Est Mort,

Nouer des voiles noirs aux colonnes des édifices

Ganter de noir les mains des agents de police


Il était mon Nord, mon Sud, mon Est, mon Ouest,

Ma semaine de travail, mon dimanche de sieste,
Mon midi, mon minuit, ma parole, ma chanson.

Je croyais que l'amour jamais ne finirait : j'avais tort.


Que les étoiles se retirent, qu'on les balaye

Démonter la lune et le soleil
Vider l'océan, arracher les forêts

Car rien de bon ne peut advenir désormais.
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