Voilà un roman glacial. Glacial parce qu'il pourrait s'inscrire sans problème dans notre quotidien, nous atteindre de plein fouet sans que l'on puisse un instant dérouter le cours des choses. Ici point de courses poursuite, de tueurs en série, de sectes sataniques et autres criminels sanguinaires qui pullulent dans nos polars contemporains.
Au début du roman, le drame s'est déjà produit, il n'y a plus de tueur à retrouver et à neutraliser, celui-ci s'est suicidé.
Il n'y a plus qu'un collège, un collège comme il en existe tant d'autres en banlieue londonienne et ailleurs, et qui vient de connaître l'horreur d'une effroyable tuerie en son sein.
Mais cette fois, ce n'est pas un élève en mal de publicité ou révolté contre le monde qui a fait feu sur ses camarades, mais un professeur d'histoire, Samuel Szajkowski. D'origine polonaise, il y enseignait seulement depuis quelques mois. Geste d'un fou, forcément schizophrène, forcément psychopathe. Ce qui rajoute à l'horreur du drame. L'affaire est donc entendue.
Sauf qu'une inspectrice, qui dans un premier temps rencontre différents témoins pour la forme, commence à s'intéresser à ce professeur assassin. Elle remonte progressivement le fil des évènements, la vie de ce Samuel que tout le monde présente comme quelqu'un à part, de différent, et donc dérangeant. A la lueur des différents témoignages elle démontera la mécanique d'une redoutable machine à broyer et esquissera progressivement une vérité qui fait froid dans le dos, bien loin de celle établie avec empressement par les autorités et l'administration du collège.
Ce roman est le 1er écrit par
Simon Lelic. C'est avant tout un roman d'atmosphère, forcément pesante, pénétrante, qui emmène le lecteur sur un chemin froid et sombre. Un chemin miroir qui renvoie à la figure du lecteur l'image d'une société (la notre ?), qui, sous le vernis de la civilisation cache une barbarie jamais disparue, où règne la loi de la meute, la loi du plus fort et qui stigmatise toujours les plus faibles.
Tout le talent de Lelic réside dans sa réussite à retranscrire cette atmosphère, à travers un style épuré et une approche du dialogue original. Tout au long du livre les témoins répondent aux questions que l'on n'entend (lit) pas. le lecteur est juste une oreille, il serait en quelque sorte à la place du magnétophone qui enregistre les réponses des personnes auditionnées. Ce procédé renforce le poids des témoignages, il renforce la perspective entre les propos d'une banalité badine avec l'horreur du drame qui s'est joué, et c'est ce qui en fait au final une histoire effrayante.