Citations sur L'Affaire Margot (21)
C’est là, pas loin de notre rue que, par un après-midi de fin juin, l’autre vie de mon père allait entrer en collision avec la nôtre, faisant voler l’arrangement en éclats.
Il avait plu pendant presque tout le mois de juin, mais désormais il faisait beau, le soleil avait enfin la gentillesse de venir enfin nous réchauffer. Nous sommes parties du lycée, un jour comme les autres, mais c'était la dernière fois, et il m'a semblé que tout ce qui était arrivé s'évaporait soudain dans la chaleur de l'été.
Le temps était à la fois plus lent et plus perceptible, avec une étrange douceur qui me manquerait plus tard. Ma peau était fine comme des pétales de fleur, et je me fondais en permanence dans ce qui m'entourait. Rien de bon ni de mauvais ne pouvait m'arriver. Quand j'étais assise quelque part, je ne sentais plus, ni mes jambes, ni mes bras, ni mes pieds comme si je disparaissais à mon tour.
Je l'ai regardé s'éloigner tandis qu'une sensation de douce chaleur remontait le long de mes jambes. C'était comme un rayon de soleil qui vous caresse par surprise quand vous êtes assis près d'une fenêtre, une chaleur passagère que l'on sent glisser sur sa peau.
Et puis, il y avait la banalité de l’absence. Les semaines à l’attendre, à lui en vouloir de ne pas être là, à se demander s’il nous aimait, à se dire qu’il nous manquait, qu’il était mieux que tous les autres, que le temps passé avec lui était précieux. C’était notre vie quotidienne, un état d’anticipation permanente.
Un jour, je suis passée à Anouk, dans l'espoir qu'elle réagisse à son prénom. Avec le temps, il m'est devenu de plus en plus difficile de l'appeler maman. La douceur de ce mot ne cadrait pas avec la distance que je ressentais en sa présence. Anouk, en revanche, se terminait abruptement, comme le bord d'une falaise, et quand je criais son nom, j'avais l'impression de la pousser dans le vide.
Avec le temps, il m’est devenu de plus en plus difficile de l’appeler Maman. La douceur de ce mot ne cadrait pas avec la distance que je ressentais en sa présence.
Je lui ai posé des questions sur vous, parce que je voulais vous rencontrer un jour.
Tu voulais faire ma connaissance, c'est vrai ?
Plus que tout.
Tu vois, ça arrive, finalement. Tu imagines, s'il nous voyait ? Il s'évanouirait, je crois. De peur.
Madame Lapierre s'est mise à rire, et son visage s'est détendu quelques instants. Tu as bien fait de venir. Ta mère, je ne veux pas la voir, mais toi... Elle a battu des paupières plusieurs fois et s'est levée de sa chaise. Avant de sortir de la pièce, elle a dit : Attends-moi, j'ai quelque chose pour toi.
Ton père ne viendrait jamais vivre avec nous.
Mais peut-être que si elle connaissait notre existence, elle le quitterait, et il serait obligé de s’installer ici !
Ton père ne viendrait jamais vivre avec nous.
Mais peut-être que si elle connaissait notre existence, elle le quitterait, et il serait obligé de s’installer ici !