Il y a toujours une part de moi près de celui avec lequel je ne suis pas.
Ce que je comprends prime sur ce que je ressens: quand je suis bien avec l'un, j'ai l'impression de trahir l'autre
Je savais. Mais jusqu'à la dernière minute, j'avais espéré.
L'existence que je mène avec ma mère ne ressemble pas à celle que je mène avec mon père, et aucune des deux ne se rapproche de celle que nous menions tous les trois. Mais sur ce que je comprends prime ce que je ressens : quand je suis bien avec l'un, j'ai l'impression de trahir l'autre.
Ce samedi matin de janvier, ma mère m’attend à la sortie de l’école. Comme les autres jours, nous remontons la rue des Boulangers mais, au lieu de nous arrêter au carrefour, nous prenons à gauche dans la rue Monge. Je me retourne et aperçois un camion de déménagement garé en bas de notre immeuble. Ma mère serre ma main dans la sienne.
Ne pas chercher à être au plus près de ce qui a eu lieu mais de ce que j’ai vécu.
Dans ma mémoire, la séparation est ma première douleur, comme si tout ce qui s'était passé avant avait été joyeux. Pourtant, il y avait eu des maladies et des morts, comme celles de mes grands-parents paternels.
J'avais avec l'un et l'autre un lien profond mais comment appréhendais-je l'altération de celui qui existait entre eux ?
Mais c'est ce qui les rapproche qui m'importe. J'aime qu'ils aient lu le même livre, qu'ils envisagent de faire le même voyage, qu'ils aient la même réaction face à un événement, qu'ils utilisent la même expression.
L’amour que j’éprouve pour mes parents est teintée de colère, de jalousie, d’amertume, d’anxiété, et seul le divorce selon moi peut l’expliquer. Après une dispute avec ma mère au cours de laquelle j’ai été particulièrement désagréable, je fonds en larmes et murmure si vous n’aviez pas divorcé, je ne serais pas comme ça.