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Critique de Tubabasse


Curieusement, Frédéric LENORMAND est né le même jour qu'Andrea CAMILLERI, un 6 septembre exactement Il fêtera donc ses soixante ans après les jeux olympiques parisiens, en espérant que sa fête d'anniversaire se présentera mieux.
Pour ceux qui s'intéressent aux astres, le soleil en vierge de nos deux talentueux hommes de lettres leur confère un talent chirurgical. Si l'on peut ressentir une simplicité de surface, il n'est rien du reste. Nos antagonistes connaissent à fond leur sujet, et tout ce qu'il y a autour. D'ailleurs, l'un comme l'autre, en plus des séries qui les ont rendus célèbres, ont commis un paquet d'ouvrages sur tout et le contraire, toujours incroyablement pertinents.
C'est bien sûr le cas pour ce Noël d'Arsène Lupin, qui se passe en 1910. Armand Fallières est bien président de la France, la Seine vit l'une de ses plus importantes crues, et Louis Lépine est à nouveau préfet de police de Paris (après une interruption qui l'a vu pendant un an gouverneur d'Algérie, où il a peu brillé). Pour le vol de la Joconde, LENORMAND a anticipé d'un an, puisque sa fameuse disparition au Louvre a eu lieu en 1911.
Comme à chaque fois, le cadre se voit d'une précision extrême, et l'auteur glisse, mine de rien, tout un tas de sous-entendus politiques (le carriérisme trivial et sournoisement menaçant à l'égard de ses subalternes du chef de cabinet par exemple, atterré d'une possible mutation loin de la capitale pour raison de faute professionnelle ou de manque de résultats), sociétaux (l'incidence d'une crue sur le commerce à cette époque, la différence énorme, du coup, du quotidien entre pauvres et nantis), voire écologiques (les ordures se répandant dans la capitale pour rester accrochées aux arbres à la décrue), de bonne facture, et, à l'égale de certaines autres de ses séries, comme « Voltaire mène l'enquête » ou « le juge Ti », il devient à un moment très difficile pour le lecteur, captivé autant qu'émerveillé, de faire la part des choses entre le fictif et une grande réalité historique, tant du point de vue des personnages que du décor et des événements.
En revanche, ce qui demeure constant, c'est l'humour sous toutes ses formes, tantôt subtil, tantôt goguenard, parfois bon enfant, en permanence de situation ou autre. Il y avait longtemps que je n'avais pas autant ri en bouquinant. C'est drôle, drôle, drôle.
Lupin, alias Eugène Lenormand, pendant l'ouvrage, est aussi directeur de la Sûreté, pas moins. Ça, c'est faux. le fonctionnaire en poste était un certain Célestin Hennion, fondateur des fameuses Brigades du Tigre avec Clémenceau, et resté pendant six ans à ce poste, avant de remplacer le fameux Louis Lépine au poste de préfet de police. Frédéric LENORMAND adore, dans ses ouvrages, qu'un des personnages porte son nom (parfois, il le portait réellement, comme l'inventeur d'un pistolet français dans une autre série). Il ajoute à la compagnie de ce double personnage ce qu'on nomme à l'époque un psychologiste, à savoir un psychiatre, un rien psychanalyste, et les dialogues échangés entre ce docteur et son patient valent franchement le détour. Franchement, psychanalyser Arsène Lupin, il fallait y penser.
Le côté Agatha CHRISTIE (vierge également, du 15 septembre), car il en est un aussi, repose sur la famille où va se dérouler l'action, une famille aristo-bourgeoise assez hétéroclite, les Balcanoc'h, dont nous éviterons un commentaire sur le patronyme. Bien entendu, le dénouement peut rappeler une fin d'ouvrage de l'écrivaine britannique, avec son rappel des différentes phases et le fait, quasi immuable, de mettre chaque personnage devant ses responsabilités.
Revisiter un mythe n'est pas chose aisée. Frédéric LENORMAND se sort toujours de cet exercice de style aves les honneurs. En parcourant avec lui les époques, les lieux, en regardant évoluer les personnages, on mesure à quel point VOLTAIRE, le juge Ti, ou Arsène Lupin, portent en eux des éléments éternels en même temps qu'une agréable dose d'humanité.
Un bien bon moment !

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