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Critique de PedroPanRabbit


Pas de doute : avec son titre en clin d'oeil à la pop culture, ce roman est bien un Lenormand, ce qui se confirme très vite dès qu'on entame la lecture. Derrière cette couverture flashy qu'on pourrait presque croire destinée à un public young adult, on retrouve tout ce qui a fait le succès de l'auteur : les phrases bien tournées, l'ironie des situations, et certains propos anodins dont le contenu, volontairement anachronique, est un clin d'oeil adressé directement au lecteur. Il en est ainsi, comme le titre de la série, des intitulés de chaque chapitre, soit autant de détournements délicieusement drôles comme "cinquante nuances de gras", "double assassinat dans la rue morne", "mon curé chez les Bretons" ou encore "le bonheur est dans le pré (courrons-y vite)".

Les saillies verbales, le lecteur y était habitué dans la série des Voltaire mène l'enquête, se situant quelques quarante ans avant Au service secret de Marie-Antoinette. Pour autant, l'auteur transpose-t-il juste sa recette à une autre époque, nous sert-il le même bouillon avec de nouveaux personnages? On aurait pu le craindre qu'on au aurait pris un égal plaisir malgré tout, mais point du tout. Si le cadre très XVIIIème siècle, évident, est le premier point commun, et le genre du pastiche de polar historique, le second, ce sont les deux seuls traits que partagent les deux séries. le ton, tout en étant tout aussi léger, est moins burlesque, et les personnages moins vaudevillesques que ne peuvent l'être son Voltaire. L'humour de situation est ici moins appuyé, plus subtil, très en adéquation avec l'univers de la mode et de l'esthétique dans lequel on évolue.

Les audaces que se permet l'auteur n'en restent pas moins tout aussi exquises : inventant un service secret dirigé depuis le boudoir même de la Reine, Frédéric Lenormand transforme Marie-Antoinette en nouvelle M, et fait de sa dame d'atours Madame de Chimay la nouvelle Q, un parallèle évident lorsque cette dernière distribue gadgets et armes de défense à nos deux pseudo-agents. Même, lorsque l'un deux se trouve en fâcheuse posture sur les toits de Paris, il est sauvé in extremis par une troupe d'agents de sauvetage déguisés en ramoneurs : le (tenez-vous bien) M.A.5! Qu'on se rassure : ses petites extravagances n'altèrent en rien la solidité du récit, et l'une des astuces la mieux pensée par l'auteur est celle de rarement faire intervenir Marie-Antoinette directement. Entourée de ses dames de compagnie qui jouent les intermédiaires, elle se contente de plus souvent de tirer les ficelles à l'abri derrière son éventail, apportant ainsi tout le mystère nécessaire à la nouvelle fonction que F.Lenormand lui assigne sans égratigner la figure véridique du personnage.

Pour autant, le défi relevé encore et toujours est celui de parvenir à puiser la source à tant de fantaisie dans la grande Histoire, ses faits réels et ses vraies protagonistes : cette anecdote de collier de la du Barry s'inspire des prémices de l'affaire du collier de la reine, parure commandée en 1772 par Louis XV aux joailliers Boehmer et Bassange pour sa favorite, puis qu'on tenta de recycler plus tard en la proposant à Marie-Antoinette, qui l'aurait refusée. Ce sont ces même bijoutiers qui créeront ensuite le célèbre collier de la reine qui fit couler tant d'encre, et Frédéric Lenormand s'amuse à y glisser un clin d'oeil avec toute l'espièglerie qu'on lui connait.

Les deux personnages principaux, Rose Bertin et Léonard-Alexis Autié, ont également véritablement existé. Elle fut la modiste la plus célèbre de l'époque (et la première femme créatrice de mode et entrepreneuse de l'Histoire), et lui le coiffeur à l'origine des coupes et perruques vertigineuses qui faisaient fureur à la cour. Dès 1774, ils sont invités sur demande de Marie-Antoinette à relancer la revue de mode le journal des Dames et entrent tous les deux au service de la Reine. S'il se racontait que les deux artisans s'entendaient "comme deux soeurs", on sait aussi que ce n'était pas sans une certaine jalousie de leurs talents respectifs ; leur personnalité extravagante et romanesque, telle qu'elle est restituée dans les anecdotes historiques en fin d'ouvrage, a servi de modèle au caractère que Frédéric Lenormand a recomposé pour les besoins de son histoire : entre crêpages de chignon (une métaphore plus que jamais appropriée) et investigations, tous les deux cherchent sans cesse à se damer le pion pour entrer le premier dans les petits papiers de la Reine.

En bref : le premier tome prometteur d'une nouvelle série, qui pastiche avec délice et espièglerie le roman d'espionnage historique. Les personnages de Rose Bertin et de Léonard Autié sont merveilleusement réinventés par F.Lenormand, et cette intrigue légère évoluant entre les alcôves de Versailles et les boutiques de mode est à savourer entre les macarons et le Champagne.
Lien : https://books-tea-pie.blogsp..
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