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Critique de Marie-Nel


Alain Léonard fait partie de ces auteurs dont je n'ai pas besoin de lire le résumé pour savoir que le roman va m'intéresser. J'ai déjà lu deux de ses romans précédents, La prophétie des marguerites et Un ange dans la tourmente, j'aime son style d'écriture, j'aime sa façon de rendre si réel son récit. En plus il est édité chez une maison d'édition que j'aime beaucoup, que ma fait découvrir ma maman, c'est une maison qui édite des romans du terroir, qui met en avant le patrimoine de nos régions avec des romans, des documents, des beaux livres. Je n'ai jamais été déçue par leurs livres, c'est pour moi une très bonne référence pour ce genre de littérature. Mais, revenons-en à ce roman. 

J'ai été très touchée par l'histoire de Claire. Elle a dix-sept ans quand on fait sa connaissance en 1880, elle vit dans un village proche de Clermont-Ferrand, dans une famille pauvre. Ses parents ne pouvant plus subvenir à ses besoins, elle est placée comme domestique chez une famille de notable à Clermont-Ferrand. La vie y est dure pour elle, les journées sont harassantes, sa patronne, Mme Gervais n'est pas très conciliante. Elle ne trouve de l'affection que chez la jeune fille de la maison, Béatrice, âgée de 13 ans, qui est la seule à ne pas mal la considérer. Claire sort très peu. Malheureusement sa vie bascule, lors d'un séjour dans la résidence d'été des Gervais. François, le fils de la famille, a repéré Claire, sa beauté et ses jolies formes, il est habitué à obtenir tout ce qu'il désire, et pense que ce sera la même chose pour Claire. La pauvre sera agressée une nuit par François, qui la violera. La peur s'installe alors pour la jeune fille qui reçoit en plus des menaces du jeune homme. Lorsqu'elle va découvrir sa grossesse, elle sera renvoyée par sa patronne, ne croyant pas une minute que son fils ait pu faire ça. Claire va essayer de trouver refuge chez ses parents, qui la mettront à la porte eux aussi. Reniée par tout le monde, elle va errer dans les rues de Clermont-Ferrand, dormant dans des portes cochères, volant sa nourriture. Victime d'une fausse couche, elle sera ramassée par un monsieur qui a l'air bien sous tous rapports, Monsieur Grangier, qui après des soins dans un hospice, va lui promettre une meilleure vie, Claire voit en lui son sauveur, mais elle sera fortement déçue lorsqu'elle verra qu'il l'emmène à La Boule d'Or, une des maisons closes existant à Clermont. La pauvre Claire va tomber de haut, et la vie sera loin d'être facile pour elle, comme on peut s'en douter.

La pauvre est totalement novice dans les choses sexuelles, une des autres filles qui vivent là va lui apprendre ce qu'il faut savoir pour recevoir un homme. Elle va découvrir une autre forme de servitude, elle n'a pas le droit de sortir, les seules fois où les filles voient l'extérieur, c'est lors des visites médicales. Elle voit sa vie fichue, car en plus chaque fille est liée à la tenancière de la maison close par une dette, définie assez aléatoirement, les filles ne peuvent être libres que si quelqu'un rachète cette dette. Claire ne voit pas d'issue à sa situation, elle va devoir faire avec, elle se nouera d'amitié avec certaines filles, et devra faire face aux clients pas toujours respectueux et violents. Est-ce qu'elle va s'en sortir, et si oui, comment, ça je vous laisse le découvrir en lisant le livre. Ne vous inquiétez pas je n'en ai pas trop révélé, juste ce qu'il faut je l'espère pour vous donner l'envie de retrouver Claire et de constater par vous-mêmes sa condition de vie.

Je me suis très vite attachée à Claire, avec un tel parcours de vie, ce n'est pas possible de faire autrement. J'ai eu très vite envie de la protéger, de la guider vers une vie meilleure. Son expérience chez les Gervais, ce qui lui arrive ensuite lorsqu'elle se retrouve à la rue m'ont beaucoup peinée, j'ai eu très souvent envie de l'aider, de la prendre par la main et de l'emmener dans un ailleurs où elle serait plus heureuse. Au travers d'elle, Alain Léonard nous montre la vie compliquée des femmes qui vivaient à une période que l'on nommait la Belle Epoque, qui était belle plutôt pour ceux qui avaient de l'argent. Il montre bien qu'il y avait une autre couche sociale où le travail était dur et peu récompensé, où le statut de la femme était plus bas que terre. Il parle très justement de leurs conditions de vie au travail, où elles sont exploitées, que ce soit dans des heures de travail énormes et harassantes, ou que ce soit dans la façon dont les employeurs les exploitent. Il nous montre aussi la terrible déchéance qu'elles peuvent vivre lorsqu'elles deviennent filles mères, elles sont très peu considérées. Et enfin, il dépeint très bien la vie de ses femmes dans les maisons closes, où, comme on l'imagine bien, elles sont encore moins bien considérées, mais au moins, elles ont à manger et sont logées. C'est juste par rapport à cela qu'elles se réconfortent. C'est terrible de se rendre compte que ce n'est pas si vieux que cela, et que même encore de nos jours, certaines femmes ont une vie désastreuse. La prostitution existe toujours et elle n'est pas mieux qu'avant, je dirais même pire, elle est moins bien encadrée que lorsque cela se passait dans une maison close. Chacun a son avis sur la question, mais les avoir fermées n'étaient pas forcément une bonne idée.

Je m'égare, mais l'histoire de Claire a le mérite de faire réfléchir sur ce qu'il s'est passé avant et ce qu'il se passe encore maintenant. L'auteur en parle d'ailleurs très bien dans un petit aparté à la fin de son livre. La maison close de son roman a réellement existé, il y en avait sept à l'époque du livre. Ensuite à leurs fermetures après une loi de 1946, la prostitution s'est exportée dans la rue, générant actuellement un énorme chiffre d'affaires. Outre l'histoire de Claire, l'ancrage de celle-ci dans la réalité de la vie est un point que j'ai beaucoup apprécié. Au niveau historique, c'est aussi les premières fêtes du 14 juillet où l'on célèbre la prise de la Bastille. C'est tout nouveau pour les Clermontois, et c'est marrant de voir les premières festivités et les comparer à maintenant. L'auteur a très bien placé sa fiction dans le contexte historique, et j'aime beaucoup, c'est encore plus marquant je trouve. Pareil, il dépeint très bien Clermont-Ferrand, ses rues, ses bâtiments historiques, les marchés, la vie qui y règne. Je n'ai qu'une envie maintenant, c'est de visiter cette ville. C'est une ville nichée dans les monts D Auvergne, reconnus maintenant pour leurs chaines thermales, qui commenceront tout juste à apparaitre au moment de ce roman. L'auteur y fait également référence, et j'ai trouvé l'ensemble vraiment très instructif. J'aime beaucoup quand ma lecture a ce double pouvoir de me distraire et en même temps de m'instruire sur la vie d'avant, sur la condition de vie d'alors, car je me dis que mes ancêtres ont connu cela, et pour moi, c'est une forme d'hommage pour eux que d'apprendre la façon dont ils vivaient. 

Alain Léonard parle de tout cela avec une très belle sensibilité et délicatesse, il n'y a pas d'excès, il raconte les faits comme ils sont, sans les édulcorer et sans les rendre larmoyants à l'extrême. Il reste très juste dans son récit et dans ses descriptions, et c'est pour moi une grande qualité. Son style est toujours aussi bon, d'une belle fluidité, je suis rentrée dans le roman et j'ai eu beaucoup de mal à le lâcher. Je me suis laissée entrainer par la vie de Claire, et je n'ai pas vu les cent premières pages défiler. Il y a comme une sorte de suspense, j'avais tellement envie de savoir comment l'héroïne allait s'en sortir, si tout allait aller mieux pour elle, que je lisais les pages avec avidité. Et même lorsque tout commence à s'arranger un peu, j'avais une appréhension, une crainte que tout recommence pour elle. le choix narratif à la troisième personne du singulier ne m'a pas empêchée d'être au plus près de Claire et de ressentir la moindre de ses émotions, il m'a permis de garder une petite distance avec elle qui n'est pas négligeable, cela m'a permis de ne pas prendre de plein fouet tous ses malheurs. J'ai eu du mal à la quitter, j'aurais aimé rester encore avec elle, même si il n'y avait plus rien à dire, elle restera gravée dans mon coeur un petit moment, elle sera difficilement oubliable. 

J'ai tout aimé dans ce livre, je n'y vois aucun défaut. Je félicite Alain Léonard pour la qualité de ses romans. Peut-être que celui-ci est celui qui m'aura le plus émue, à cause de Claire et de son vécu. Je suis à chaque fois admirative de la précision des faits historiques, et devant le travail qu'a dû faire l'auteur en amont pour être si précis et rendre son histoire si réaliste. J'ai eu la chance de le rencontrer lors d'un salon du livre, et il est passionnant à écouter lorsqu'il parle de ses personnages, de ses histoires. Son amour de sa région, de son histoire et de l'écriture se ressent, tout comme dans ses romans. Je ne peux vraiment que vous recommander les romans de cet auteur, pas un ne m'a déçue, j'ai d'ailleurs enchainé avec un autre de ses romans, le tout premier qu'il a écrit et qui vient de ressortir au format poche, Enfants de la liberté. C'est un autre contexte historique, puisque cela se passe au moment de la révolution française mais c'est déjà très passionnant. C'est à nouveau une femme qui est mise à l'honneur, comme dans Un ange dans la tourmente, je trouve que l'auteur parle très bien de ses héroïnes et qu'il leur rend un bel hommage. 

Alors n'hésitez pas à lire cet auteur, et à découvrir les romans de cette maison d'édition, qui sont toujours très intéressants et plaisants à lire. 
Lien : http://marienel-lit.over-blo..
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