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Critique de Patlancien


« Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.»
L'Homme et la Mer de Charles Baudelaire.

L'histoire du phare d'Ar-Men débute dans la nuit du 23 au 24 septembre 1859, avec le naufrage de la corvette à aubes, le Sané sur les rochers de la redoutable chaussée de l'île de Sein. Bien connue des marins, cette zone de récifs qui s'étend à l'ouest de l'île est extrêmement dangereuse en l'absence de repères. Suite à cette catastrophe, une décision est prise d'édifier un phare sur les trois petits rochers qui dépassent à peine de l'eau. La construction commence en 1867 et se termine 14 ans plus tard. Compte tenu de cette base étroite, les coups de houle pendant les tempêtes font trembler tout l'édifice et tomber ce qui est accroché aux murs, rendant ces périodes particulièrement difficiles pour les gardiens. Il est donc décidé en 1907 de renforcer la base par une chape de béton supplémentaire. Dès lors et depuis 120 ans, Ar-Men surnommé l'enfer des enfers restera toujours debout.

C'est notre dessinateur-scénariste Emmanuel Lepage qui nous fait revivre cette épopée. Il nous embarque avec maestria dans cette aventure graphique grâce à une bonne connaissance de la Bretagne (il est né à St Brieuc dans les Côtes-d'Armor). A travers le témoignage de Moïzez, premier gardien du phare et ceux de Germain et louis en 1962 ; on vit, on respire, on ressent, on partage l'existence de ces gardiens de la mer. On saisit mieux l'importance de ces silhouettes fantastiques qui dominent notre horizon comme elles dominent aussi notre imaginaire collectif. Ces éclats de lumière ne sont pas que de simples guides, Ils rassurent aussi les marins dans l'obscurité. Sentinelles solitaires, exposées aux intempéries, elles possèdent chacune leur propre signature lumineuse voire même leur propre personnalité.

Cette bande dessinée pleine de poésie marine est aussi soutenue par un dessin de toute beauté. Les planches sont d'un réalisme saisissant. Les paquets de mer vous explosent en pleine figure, les mouettes vous hurlent dans les oreilles et notre Ar-men, véritable géant de pierre, se montre dans toute sa puissance et sa force minérale. La mise en couleur est à l'image de toutes les nuances de la mer d'Iroise. Les vert, bleu et gris sont admirablement repartis et contribuent à accentuer le côté dangereux et mystérieux de ces eaux. La magie du trait chez Emmanuel Lepage est aussi exceptionnelle. le vol des oiseaux marins, le roulis des vagues, la puissance des tempêtes sont tout simplement uniques et d'un réalisme troublant. On est littéralement transporté au coeur de l'océan au milieu de ses embruns et de ses coups de boutoir.

Comme les légendes bretonnes, les gardiens de phare sont en passe de disparaître avec l'automatisation mis en place depuis 1990. C'est autour de la société nationale pour le patrimoine des phares et balises de s'inquiéter pour l'avenir de ces constructions dont l'état se dégrade depuis quelques années. L'absence des gardiens doit y être certainement pour quelque chose…

Merci à HundredDreams, Berni_29, dannso pour cette belle découverte collective qui ne peut laisser indiffèrent tous les amoureux de la mer que nous sommes …

« le marin rêve face à la mer, le gardien de phare face à la terre. »
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