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Critique de Bernardbre


C'est sur une saisissante citation d'Antonin Artaud que s'ouvre le livre de Jean-Claude Leroy, recueil de trois textes en prose. "Ce pont qui me traverse", "Comédie du suicide" et "L'Enfer du décor" titillent à la fois la tentation de la mort volontaire, comme ont pu le faire, à leur façon, Nietzsche ou Malcolm de Chazal (également cité ici), cette attirance vers un «état d'apesanteur», et la quadrature d'aimer – l'amour étant présenté comme une hygiène risible qui ne fait guère rire. Sans pathos, sans complaisance, sans coquetteries, sans facilités, sans poncifs ni jérémiades, échappant magistralement à tous ces pièges, l'auteur, personnage(s), narrateur ou locuteur, se place à distance, en spectateur plutôt passif, voire accablé, de cette vie qu'il ne parvient à ressentir que comme une fiction ; et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne se donne pas le beau rôle (parenthèse pour rappeler, au passage, que c'est là le titre du troublant roman-récit de Louis Gardel, bien injustement méconnu, et peut-être le meilleur…).
Chroniquer (critiquer?), c'est bien ; citer, c'est parfois mieux, et sans doute plus juste, ou moins risqué, ici, pour ce livre dont le style souverain fait gagner l'alchimie permettant à toute littérature digne de ce nom de transmuer en or le plomb noir de ce que l'on appellera, pour dire vite, la mélancolie :
«… ma couardise se croyait changée en courage… j'ai toujours tort… je ne réalisai jamais rien de bon… je suis effectivement une épave… chien bâtard… elle souffrait de mon égoïsme et de ma grossièreté… de peur d'être reconnu en tant que monstre… au fond j'ai toujours été détesté… j'ai été un homme superficiel… j'avale chaque jour des cachets qui m'aident à ne pas crever d'angoisse… le désordre règne en moi… nous partagions des lectures, des amis, des perversités… éternel masculin étant surtout opportunisme et fatuité »
Un mot pour résumer ce livre ? "Honnêteté", à coup sûr : éthique, littéraire, intellectuelle. Est-ce si commun ?
Lsant le deuxième texte, de forme épistolaire, "Comédie du suicide", on l'imagine, avec une évidence non attendue, adapté au théâtre, porté, adressé publiquement par deux comédiens. Les metteurs en scène et autres culturo-théâtreux continuent-ils de dédaigner les prosateurs, romanciers et autres poètes n'appartenant point à leur dramatique sérail ? Non, certes pas tous, mais un petit effort supplémentaire de curiosité pour les livres nouveaux, même si non estampillés "théâtre", hé, hein, non?...


Critique partiellement parue dans "Encres de Loire" n° 58, page 19, hiver 2011-2012
Lien : http://www.paysdelaloire.fr/..
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