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Critique de Henri-l-oiseleur


Depuis 1986, une équipe de chercheurs a entrepris de traduire en français, sous le titre collectif de "La Bible d'Alexandrie", l'antique traduction grecque de la Bible hébraïque, ou encore "Ancien Testament", que nous lisons par ailleurs aujourd'hui en un texte français établi sur l'hébreu. Pourquoi cette traduction de traduction ? Traduire est une manière de lire, d'interpréter, de rendre à sa façon dans une autre langue un texte que l'on estime assez précieux pour être connu au-delà des frontières linguistiques et nationales du peuple qui l'a vu naître. Et c'est bien le cas de la Bible, composée siècle après siècle pour raconter aux hommes les relations d'une nation avec Dieu.


Il est donc intéressant de savoir comment les histoires fameuses de Samuel, de David et Goliath, ou encore de David et Saül, furent lues, comprises et racontées dans l'antiquité grecque, un ou deux siècles après la fondation d'Alexandrie et l'établissement d'une communauté juive influente dans cette ville. Grâce à elle, le trésor littéraire national du peuple juif fut transmis au monde méditerranéen, héritage dont nous vivons encore et que les notes et explications de cette édition savante s'emploient à éclairer.


Ce livre, en grec, porte le titre de "Règnes" (Basileiôn, au génitif), comme pour insister sur le thème monarchique et en faire le motif essentiel de tout l'ensemble. "Règnes" induit une lecture politique, stratégique (il y a beaucoup de guerres), dynastique du pouvoir en Israël : la Bible grecque poursuit, après ce livre, avec II-Règnes, III-Règnes et IV-Règnes. Il est intéressant de remarquer que les Juifs, en hébreu, jusqu'à nos jours, n'intitulent pas du tout ce livre comme cela : il porte en hébreu le nom du prophète Samuel, et il est divisé en deux à cause de sa longueur (I Samuel, II Samuel ,שמואל א, שמואל ב). Quant aux deux suivants (III-Règnes et IV-Règnes), la tradition hébraïque leur donne le titre de "Rois" (Melakhim מלכים), insistant davantage sur les hommes qui ont porté la couronne, que sur la nature abstraite de ce pouvoir (le règne, basileia). Alors que les titres des versions grecques mettent au premier plan la nature monarchique du pouvoir en Israël ancien, et en font la chronique suivie, l'hébreu insiste sur la prophétie dont Samuel (qui meurt au milieu du livre portant son nom) est revêtu par Dieu, dont les interventions semblent plus lisibles dans l'hébreu que dans le grec. C'est pourquoi le livre juif de Samuel est classé parmi les livres prophétiques de la Bible, tandis que dans la Bible grecque, c'est un livre historique.


Dans les deux versions, le récit d'action est absolument prenant, les guerres et les personnalités introduisent une dimension presque épique, et les divergences de lecture posent des problèmes fascinants d'interprétation. On comprend en lisant les notes de cette édition, que le texte biblique n'a rien d'un ensemble fixé et intangible, mais se forme et se construit en fonction des lecteurs et des traducteurs.
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