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Critique de emmyne


Cet ouvrage est la retranscription d'un entretien de 1983 entre l'auteur de Si c'est un homme et deux historiens, Anna Bravo et Federico Cereja ( qui signe l'adaptation écrite avec l'introduction et la postface ) pour une étude sur la mémoire de la déportation.

Et cet entretien me paraît indispensable à lire en complément du récit témoignage de Primo Levi, notamment pour le choix d'écriture de Primo Levi. Sa biographie présentée en fin d'ouvrage montre bien qu'il ne se destinait absolument pas à une vie d'auteur. Primo Levi était diplômé de chimie et il exerça son métier de chimiste sa vie durant. C'est l'horreur de l'expérience à laquelle il a survécu qui fit de lui un écrivain : " Nous, les rescapés, nous sommes des témoins, et tout témoin est tenu, même par la loi, de répondre de façon complète et véridique. " Voilà son rôle, témoin direct comme lors d'un procès, ce qui explique son ton factuel dans Si c'est un homme, sa crainte et son refus de faire des personnes des personnages.

J'ai appris avec ces pages biographiques, en plus de ces études et cette carrière scientifiques, que le manuscrit de Si c'est un homme, écrit en 1946, a d'abord été refusé par certains éditeurs puis qu'il ne fut publié qu'à 2500 exemplaires par celui qui finit par l'accepter. Ce ne sera que dix ans plus tard, suite à une exposition consacrée à la déportation durant laquelle il témoigne, que Primo Levi décide de présenter à nouveau son récit à un grand éditeur ( c'est donc depuis 1956 qu'il ne cesse d'être réédité, traduit en 1959 pour l'Angleterre et les Etats-Unis, en 1961 pour la France et l'Allemagne )

" Celui qui a écrit "Si c'est un homme" n'était pas écrivain, au sens habituel du terme, c'est-à-dire qu'il ne se proposait pas un succès littéraire, il n'avait ni l'illusion ni l'ambition de faire un bel ouvrage. [...] il n'y avait aucun moyen de rien garder sur soi. Je ne disposais que de ma mémoire. "

J'ai également découvert par cette lecture les autres textes de Primo Levi, dont La Trêve, récit inspiré de son long voyage de retour, du camp de transit soviétique à la traversée de l'Europe de l'Est durant cinq mois ( de juin à octobre 1945 ) avant d'arriver enfin en Italie, ainsi que Les naufragés et les rescapés - Quarante ans après Auschwitz dans lequel il tente d'analyser.

Cet entretien porte donc sur les rapports entre écriture et mémoire. Primo Levi revient sur les faits énoncés dans son témoignage autant que sur ceux qu'ils n'a pas abordé parce que lui semblant moins essentiels: " j'ai cherché à transcrire les choses les plus pénibles, les plus lourdes, et les plus importantes ". Transcrire et transmettre étant les mots justes - certaines rencontres et conversations seront racontées de façon fictionnelle dans le recueil Lilith, " j'étais devenu écrivain "- . L'entretien m'a paru aussi intéressant que complet car on y lit un véritable échange entre Primo Levi et les historiens, une discussion sur cette littérature témoignage de déportation et de pertinentes questions sur le quotidien, le concret de ce rôle de témoin, la façon dont Primo Levi le vit face aux sollicitations, ses interventions publiques, sa relation aux jeunes générations, les courriers qu'il reçoit lui demandant encore pourquoi.... Il évoque ainsi en toute franchise toutes ces réponses qu'il n'a pas et ce statut de témoin, de survivant, dans la sphère privée, la transmission sans mot à ses propres enfants.

Evidemment, l'entretien porte également sur le fonctionnement du camp et les codes internes des déportés. Les sigles dessinés sur la couverture de cet ouvrage sont ceux qui étaient cousus sur les vestes des détenus, ils sont explicités sur une double page.
Lien : http://www.lireetmerveilles...
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