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Critique de itculture


Ecrit 40 ans après Auschwitz, c'est un livre qui se veut une réflexion sur les conséquences psychiques et physiques de l'internement en camp d'extermination des individus qui y ont survécu, ainsi que le produit d'une analyse approfondie des mécanismes humains qui ont conduit et réalisé dans le temps, cette abomination. Survivant de la shoah, le suicide de Primo Levi en 1987 reste cependant controversé. Pour un ingénieur chimiste, une chute dans un escalier semble peu appropriée pour cet acte volontaire. Rien ni personne n'y apportera de réponse.
- Longuement, il démontre la « zone grise », celle où il est impossible de classer l'individu non pathologique impliqué dans un contexte trop difficile à contrôler, et qui par tous les moyens tentera de sauver sa peau, oubliant l'essence de son humanité. D'où la dérive parfois de corruption et de collaboration avec le tyran. Dans ses exemples, il conte l'aventure de Chaim Rumkowski dans le ghetto de Lodz. Aux ordres des nazis, il devient lui-même tyran pour ses coreligionnaires. « Qui est Rumkowski ? Ce n'est pas un monstre. Ce n'est pas non plus un homme comme tous les autres ; c'est un homme comme beaucoup d'autres, comme beaucoup de frustrés qui goûtent au pouvoir et s'en enivrent ». A la liquidation du ghetto en aout 1944, il sera déporté et gazé à Auschwitz.
Dans la « zone grise », exclure les hommes des Sonderkommandos, tous juifs, qui ont été choisis et condamnés à une mort certaine après quelques mois de service, afin de neutraliser tous les témoins de cette immense machinerie de destruction humaine.
- Dès l'arrivée dans l'enfer, le premier obstacle à la survie était la non connaissance de la langue, ou plutôt une déformation en jargon de Yiddish, d'allemand et de polonais, vociféré, qu'il définit comme une « incommunicabilité radicale », car chaque incompréhension ou interprétation était motif à châtiment. En plus des conditions de vie inhumaines dans les lager, il fallait se soumettre à l'humiliation quotidienne, au traumatisme de l'impudeur, à la blessure de l'indignité humaine.
- Il explique le sentiment de honte ressenti par beaucoup de déportés survivants (pourquoi eux et pas les autres), dont la parole était peu entendue à leur retour, associé à celui de culpabilité d'avoir parfois failli à la générosité envers un autre détenu (p79).
- Il consacre tout un chapitre à la biographie d'un autre célèbre détenu qu'il a rencontré dans le camp : le philosophe Autrichien Hans Maïer, alias Jean Améry (qui se suicidera en 1978), et observe les probabilités de survie des intellectuels dans la barbarie, inexplicable, injustifiable, illogique et immorale. L'exercice de remémorisation de ses savoirs culturels a pu aider certains à un minimum d'éclat dans cette obscurité dévastatrice.
- Il répond aux questions posées par des interlocuteurs plus jeunes, écoliers et étudiants : pourquoi ne pas avoir fui avant l'invasion, pourquoi ne pas s'être rebellés dans les camps, pourquoi ne pas s'être évadés ? Un seul rescapé des sondercommandos, Filip Müller (véritable miraculé), témoignera dans le film Shoah de Jacques Lanzman et dans un livre : 3 ans dans une chambre à gaz, de la réalité démoniaque de ses années d'enfer.
En 1960 « Si c'est un homme » fut traduit en allemand. Primo Levi en a scrupuleusement supervisé la traduction afin que l'intensité de son récit soit fidèlement retranscrite. Il achève ainsi son essai en reproduisant les copies de courriers échangés avec des Allemands, plus jeunes, dont certains, découvraient l'horreur absolue de ces années de camps de concentration.
En post-scriptum p27 : Louis Darquier de Pellepoix, français, ancien commissaire aux affaires juives du gouvernement de Vichy, responsable de la déportation de 70 000 juifs, avait déclaré ne pas connaitre leur destination, et que l'usage des chambres à gaz était destiné à tuer les poux. Une précision de haute importance ! En 1945, ce monsieur a fui en Espagne franquiste (car bien que condamné par contumace en France), il y a fini ses jours à 82 ans sans jamais avoir été inquiété.
Sans commentaire !
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