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Citations sur La Vie et moi (28)

On serait désorienté à moins, et tout donne à penser en effet que les vieilles boussoles qui aidaient des gens à ne pas perdre le nord ne sont plus guère d'utilité dans un univers où l'ici et l'ailleurs sont de mieux en mieux interchangeables; comme seront bientôt interchangeables ces êtres issus de nulle part et qui auront tété, d'un bout à l'autre de la terre, les mêmes sous-produits d'une culture qui entend viser, chez ceux qui la consomment en toute innocence, le plus bas commun dénominateur. Le bien être franchement pathologique où se complaît depuis trente ans la société occidentale – et où rêve de se vautrer le reste du monde en attendant d'en avoir fini avec une misère qui a encore de beaux jours devant elle – n'a pas été acheté sans contrepartie: richesse accrue pour les uns, calamités nouvelles pour les autres, mais pour tous une inflation de mirages qui sont autant d'atteintes sournoises à la liberté d'être au singulier.
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Prêter des livres est souvent une opération risquée. Bien des gens trouvent trop subtile la distinction entre un livre prêté et un livre offert et, dans le doute, ils préfèrent garder l'objet incriminé.
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Depuis que des animaux à deux pieds et sans plumes pullulent sur la croûte terrestre, les hommes peuvent, je pense, se classer en deux catégories bien tranchées: les querelleurs et les pacifiques, ou, selon une terminologie plus moderne, la race des seigneurs – ou saigneurs, l'orthographe est douteuse – et celle des esclaves ou travailleurs – ce qui revient à peu près au même. Je m'imagine que les hommes aimant les disputes, la lutte, les discussions acerbes, éprouvent un réel bien être quand ils peuvent lâcher la bride à leurs instincts batailleurs. Ils se sentent dans leur élément et se lancent d'un cœur joyeux dans la carrière, avec le ferme espoir de distribuer plus d'horions qu'ils n'en recevront.

C'est aussi une question de vocabulaire. Quand on a plaisir à se battre, comme le bouillant Achille ou le preux Roland, on appelle ce prurit courage, intrépidité, valeur, héroïsme. L'on dédaigne profondément ceux qui cherchent plutôt à éviter l'affrontement, et on les méprise plus encore si ces capons se trouvent être par-dessus le marché de médiocre carrure. De la même façon, les hommes qui s'avouent mal à l'aise dans la bagarre, ou chez qui le plaisir de donner des coups est plus que compensé par la crainte d'en recevoir, ont trouvé des formules d'une admirable noblesse pour désigner ce sentiment que d'aucuns seraient fondés à trouver terre à terre: à les entendre, ne les gouvernent que l'amour du genre humain, le pacifisme le mieux éthéré, le pur souci de l'entente et de l'amitié entre les êtres.
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Au Buttes-Chaumont, entre Le Belvédère et le lac, la sollicitude des édiles a ménagé un chemin en pente raide, dont le ciment imite assez bien, pour des enfants ignorant la montagne, un sentier taillé dans le roc. C'était un des coins favoris de mes jeux d'enfant, et j'y suis revenu pour rafraîchir mes vieux souvenirs. À plusieurs reprises, le chemin passe sous de petits tunnels, et ces endroits ténébreux sont particulièrement propices, si je puis m'exprimer ainsi, à ceux qui ont de petits besoins à satisfaire. J'y ai retrouvé, après cinquante ans, l'odeur prenante et méphitique dont mon nez se souvenait encore parfaitement. Je me suis dit dans mon cœur : tout ami qu'il soit des émeutes, des révolutions et des chambardements, Le Parisien a sans doute gardé un grand fond d'esprit conservateur, puisque les générations modernes restent fidèles à ces anciens usages. Tout n'est pas encore perdu.
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J'ai eu peu d'ennemis dans ma vie, et je n'en suis pas plus fier. Au contraire, je devrais m'en excuser, c'est un signe de médiocrité plutôt qu'une preuve de valeur. Ces rares ennemis, je ne suis même pas parvenu à les haïr, bien qu'ils m'aient fait beaucoup de mal dans la mesure de leurs forces et que leurs agissements aient parfois modifié le cours de mon existence. Je vois d'abord Maroufle, le plus méchant patron que j'aie connu, que me prenait avec prédilection comme tête de Turc. Je ne peux pourtant pas lui en vouloir à mort, il avait un malheureux caractère, le pauvre, et ses humeurs peccantes se déversaient de préférence sur moi comme étant, parmi ses subordonnés, le plus pacifique et le moins disposé à la lutte.
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Cette préférence marquée pour les vieux livres et les vieilles histoires, ce goût d'un passé révolu ne sont, je m'en rends compte, qu'une manière de tourner le dos à mon époque, laquelle se vante trop de ses « progrès » pour n'avoir point à cacher quelque barbarie secrète.
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La bonté parfaite, si elle pouvait exister, serait en nous une conscience ferme et constante de l'identité de toutes les créatures.
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Cette préférence marquée pour les vieux livres et les vieilles histoires, ce goût d'un passé révolu ne sont, je m'en rends compte, qu'une manière de tourner le dos à mon époque, laquelle se vante trop de ses « progrès » pour n'avoir point à cacher quelque barbarie secrète. Son arrogance, que l'on peut simplement trouver naïve, m'a toujours parue à la fois vulgaire et terrifiante. Les « grands hommes » qu'elle a dressés pour notre édification sur les tréteaux de la politique se sont généreusement chargés de justifier mes pires appréhensions à cet égard, et mieux encore s'il se peut. Voilà de quoi m'ont préservé tant bien que mal les livres anciens, alors que je retrouve presque toujours dans les lettres contemporaines les vices de notre époque fiévreuse, brutale, avide d'actualité, de vitesse et de technique. Volontairement privé des moyens de communication qui si fort plaisent à mes semblables, impatients dirait-on d'ingurgiter tous, et si possible aux mêmes heures, la même bouillie d'information, je suis devenu indifférent, voire réfractaire, aux débats d'idées et aux modes qui les rassemblent, et à la Mode tout court, ce monstre qui domine et tyrannise notre aimable société. Ma vie s'en est ressentie, mais aussi ma façon de vivre, de penser, ma conception des arts, de la politique, du sport et de tout le reste. Ayant de bonne heure senti en moi la vocation d'écrire, et placé comme j'étais en marge de mon temps, je me voyais voué de prime abord à l'insuccès. Aussi ai-je préféré écrire pour moi, et pour moi seul.
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Virtuose de l'indécision, je n'ai jamais conduit dans le domaine de l'écriture que des batailles illusoires, choisissant au surplus pour déployer mes minces ressources les terrains les plus ingrats.
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Je suis né. Je n'insisterai pas sur ce fait, peu caractéristique en lui-même. Mais ce petit malheur devait être le premier maillon d'une chaîne de calamités du même ordre : imposées par les circonstances, jamais librement acceptées. L'homme vient au monde d'une façon peu digne, indépendante non seulement de sa propre volonté, mais souvent même de celle des auteurs responsables. Ainsi la naissance est-elle une leçon de choses, la première, mais non la moins magistrale. La nature nous dit, comme elle nous le répétera plus tard jusqu'à la nausée : "Tu es le plus faible, tu dois te laisser faire." Naître n'est que la première étape d'une longue série noire. On commence en se laissant enfanter ; puis on se fait nourrir, instruire, éduquer, et l'on devient ainsi, petit à petit, la proie des hommes, des femmes et des événements. Et l'habitude est si bien prise qu'il devient bientôt impossible de remonter le courant…
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