Citations sur Le moine ou Le pacte infernal. Tome 1 (2)
Un auteur, quel qu'il soit, bon, mauvais ou médiocre, est une créature malheureuse que chacun se croit en droit d'attaquer. Peu de personnes sont en état décrire un livre, mais tout le monde se croit apte à le juger. Un mauvais ouvrage porte en lui sa punition: c'est le mépris et le ridicule. Est-il bon, il excite l'envie et attire sur son auteur mille et mille mortifications; il se voit assailli par une nuée de critiques partiaux et de mauvaise humeur. L'un trouve à redire au plan, un autre au style, un autre à la moralité; et s'ils ne réussissent point à trouver à trouver des défauts à l'ouvrage, ils chercheront alors à flétrir l'auteur; ils produiront malicieusement au grand jour toutes les particularités propres à jeter du ridicule sur son caractère ou sur sa vie privée, et viseront à blesser l'homme, s'ils ne peuvent atteindre l'écrivain. En un mot, entrer dans la carrière de la littérature, c'est vous exposer volontairement à tous les traits de la jalousie, du ridicule, du dédain et même du blâme. (p. 270)
L'homme est né pour la société; et celui-là même qui est le plus détaché du monde, ne peut cependant l'oublier totalement, ni s'accoutumer à en être totalement oublié. Dégoûté des vices ou de la sottise des hommes, le misanthrope s'en sépare; il se fait ermite, il s'ensevelit vivant dans le creux d'un rocher. Tant que son cœur est enflammé par la haine, il peut s’accommoder de sa situation; mais quand son animosité vient à se refroidir; lorsque le temps a pu adoucir ses chagrins et cicatriser ses blessures, croyez-vous que le contentement puisse être encore le compagnon de la solitude? [...] Cessant d'être soutenu par la violence de sa passion, il sent toute la monotonie de son existence, et son âme reste toute entière en proie à l'ennui. (p. 79)