Itinéraires d'une vie : E.M. Cioran

La métaphore du salut est omniprésente : "Avant l'apparition de C.Z. Codreanu, la Roumanie, constate Cioran, faisait figure de Sahara peuplé. L'existence de ceux qui y séjournaient entre ciel et terre n'avait d'autre contenu que l'attente. Quelqu'un devait venir. [...] Le Capitaine a donné à l'homme roumain un visage." Le boursier de la Fondation Humboldt, qui se protégeait du nazisme en se réfugiant dans l'étude du bouddhisme distant et atemporel, plonge dans l'histoire. "La jeunesse de notre époque ne peut plus espérer se sauver par la bibliothèque", écrit Cioran. Il a vingt-cinq ans.

Je n'ai jamais dit qu'il fallait se suicider ; j'ai simplement dit que seule l'idée du suicide pouvait nous aider à supporter la vie. L'idée qu'il soit à portée de notre main de mettre fin à nos jours, que nous puissions à tout moment nous suicider si nous le voulons peut représenter un énorme soulagement. Du moins cette perspective m'a-t-elle personnellement beaucoup aidé et j'ai exposé ce raisonnement à tous ceux qui m'ont déclaré vouloir se tuer.

Tout ce qui est formulé devient plus tolérable. L'expression ! voilà le remède. A quoi rime finalement d'aller se confesser à un prêtre? Cela nous libère. Tout ce qui est formulé perd en intensité. C'est cela la thérapeutique, le sens de la thérapeutique par l'écriture. Si je n'avais pas écrit, les états dépressifs que j'ai connus m'auraient sans aucun doute mené à la folie ou auraient fait de moi un raté complet. Le fait de les avoir formulés s'est révélé d'une remarquable efficacité, je dois dire.