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Citations sur Descente au coeur du mâle (15)

La tribune du 9 janvier parue dans Le Monde, signée par cent femmes, dont l'actrice Catherine Deneuve et la romancière Catherine Millet, témoigne d'une surprenante ignorance. Je crois que les signataires, qui s'inquiètent d'une régression puritaine, ne sont pas allées lire ce qui s'écrit réellement sur #MeToo. Elles confondent, de surcroît, l'insistance importune et le vrai flirt. Dans le premier cas, on ne respecte pas le consentement d'autrui ; dans le second, on le cherche, au contraire ; mieux, on se plaît à l'obtenir. C'est tout l'agrément du vrai jeu de séduction.
(p. 34)
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[ attention, contient du Michel Sardou inside ! 😲😉 ]
Les mots de sorcière, d'hystérique et de salope désignent des femmes 'insupportables' parce qu'elles se montrent autonomes. L'usage de ces mots voudrait pourtant faire passer leur liberté pour une dépossession. N'appartenant à aucun homme particulier, la sorcière serait possédée par le diable, l'hystérique par sa maladie, la salope par tous ceux qui profiteraient de sa débauche. L'homme refuse obstinément de réaliser qu'une femme puisse désirer jouir du monde indépendamment de son emprise. Autrement dit, qu'elle puisse désirer d'être elle-même. Acculés à reconnaître l'orgasme des femmes après mai 1968, les hommes se sont escrimés à en faire un nouveau signe de leur puissance. L'orgasme au féminin devient le résultat d'une performance virile. L'homme se réinvente en maître absolu du plaisir féminin. Bourreau des corps et des coeurs, c'est lui qui reste aux manettes. Il suffit de réécouter 'Je vais t'aimer' du ténébreux Michel Sardou, qui date de 1975, pour réaliser que, à travers la libération sexuelle, l'homme peut chercher à exprimer une nouvelle promesse dominatrice, jusqu'à « faire crier grâce à tous les échos ». Le désir et le plaisir féminins restent dépendants ; l'homme devient le héros de la relation amoureuse, emportant la femme en l'aimant « plus loin que [ses] rêves ont imaginé ».
(p. 93-94)
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Nietzsche a très justement enseigné que la violence sourd du sentiment d'impuissance. De la peur de ne pas être à la hauteur. D'être dépassé par l'AUTRE. De sorte qu'on s'arrange pour l'exclure préventivement de la compétition, afin de ne pas avoir à se mesurer directement à lui. Tel est le mécanisme du racisme. Tel est le machisme profond. Tel est le sens profond du désir weinsteinien* de jouir de la soumission. De jouir de la femme en tant qu'elle est préalablement agenouillée.
(p. 95)
* terme dérivé de Harvey Weinstein (producteur hollywoodien accusé de harcèlement, viol, etc.)
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Parce que [le sport] est l'activité virilisante par excellence, pour l'individu comme pour la collectivité, les filles ont encore aujourd'hui le plus grand mal à s'imposer dans le milieu sportif. L'équipe de football féminine de l'OM, l'Olympique de Marseille, a eu pendant plusieurs années beaucoup plus de réussite que l'équipe masculine. Et pourtant, personne ne connaît ces sportives exceptionnelles. Les matchs dans lesquels elles se battent avec brio n'intéressent presque personne. Même pas le public féminin. La place d'une femme est à la maison, pas au champ de bataille ni au stade. A la rigueur peuvent-elles être des pom-pom girls sexy pour encourager les mâles. A la rigueur peuvent-elles se distinguer dans les épreuves qui leur permettent d'exprimer leurs qualités 'naturelles', de charme, de grâce, de finesse, comme le patinage artistique ou la danse acrobatique.
(p. 62-63)
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Le processus de 'modernisation' de la civilisation, améliorant sensiblement les conditions [des femmes], qui débute à la fin du XIVe siècle avec Pétrarque et sa déification de la femme aimée, est loin d'être linéaire. Il y eut des moments de progrès suivis de mouvements de régression de la liberté sexuelle et de l'égalité des genres. Nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle régression.
(p. 98)
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[#MeToo] n'est pas seulement un mouvement social majeur qui démontre qu'internet peut devenir un moyen de mobilisation spontanée dans l'espace public ; ou encore que la globalisation digitale peut permettre des formes de solidarité transnationales inédites. C'est un événement historique [...] ; c'est l'accomplissement du programme même de la modernité qui se joue : la reconnaissance concrète, chez tous les humains, d'une Volonté individuelle indivisible, antérieure à tout conditionnement social, à toute différence économique, à toute distinction ethnique et à toute détermination biologique.
(p. 21)
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[ version originale de 'La Belle au Bois dormant', de Giambattista Basile, qui date du début du XVIIe siècle, intitulée 'Soleil, Lune et Thalie', version elle-même issue de contes populaires remontant à la première moitié du XIVe siècle ]
On y raconte les aventures d'un roi qui s'enfonce dans la forêt alors qu'il chasse, et qui découvre une princesse endormie et solitaire dans une demeure perdue. C'est la princesse Thalie. Le roi l'aime aussitôt, et, dans le même mouvement, la viole dans son sommeil. La belle, complètement passive (endormie), objet du désir LÉGITIME de l'homme et de son assouvissement nécessaire, ne se réveille ni pendant, ni après l'acte. Elle n'éprouve ni douleur ni plaisir. Elle sera fécondée et accouchera neuf mois plus tard, toujours en état de léthargie. Lorsqu'elle s'éveille enfin, suite à la succion d'un de ses enfants qui lui retire l'écharde soporifique en tentant de la téter, elle s'extasie face à la découverte de sa progéniture. Le viol est une bénédiction. Par le viol, elle a pu s'éveiller à sa vraie vie. Et d'abord devenir mère. Il ne vient pas à l'esprit de la princesse qu'il ait pu y avoir une atteinte à son intégrité. C'est une chance d'avoir été violée. Ce n'est d'ailleurs pas vraiment un viol, car la question de l'existence de la volonté n'est pas posée. L'idée même qu'elle eut pu ne pas consentir à l'acte sexuel est dépourvue de signification dans la logique de la fable. La morale de l'histoire est saisissante : « À qui a de la chance, le bien vient même en dormant. »
(p. 43-44)
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Dans les sociétés traditionnelles, le rituel d'initiation valide le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Ces rituels d'initiation impliquaient souvent des épreuves physiques et psychiques dont le jeune homme devait ressortir victorieux pour pouvoir occuper sa place parmi les hommes. La difficulté des épreuves pouvait n'être que symbolique. Mais il s'agissait toujours de prouver sa virilité, son courage, de se libérer, de se dépasser, de transcender sa condition infantile. D'affirmer sa volonté propre. A Rome, c'est à ce moment-là que le fils de patricien pouvait revêtir la toge virile. Pour les jeunes filles, les épreuves ne consistaient pas à se dépasser, mais au contraire à se soumettre, à apprendre à suivre, à attendre la volonté des hommes. Le mâle pouvait subir des dégradations, mais il devait y résister et les surmonter. Afin de jouir de son corps en pleine capacité, et, par dérivation, jouir de sa place dans la société.
(p. 72-73)
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À mesure que je me plongeais dans les témoignages de femmes harcelées, voire violées, qui se sont accumulés depuis octobre 2017, j’éprouvais une sensation de dégoût. Le dégoût s’est progressivement transformé en malaise. Ces hommes sont dégueulasses, certes. Souvent pitoyables. Beaucoup sont des salauds sans vergogne. Mais, surtout, ce sont des hommes tout comme moi. Et c’est aussi en tant que tels que ce sont des salauds. Même si je n’ai pas voulu me l’avouer immédiatement, une partie de mon identité virile m’était renvoyée en plein visage. Il serait hypocrite de le nier. Quand bien même l’on n’aurait pas à se reprocher d’actes de harcèlement caractérisés. Je voyais s’ébaucher, vaguement, à l’arrière-plan de ces peintures de situations accablantes, la façon dont j’avais été, moi aussi, conditionné à voir et à désirer les femmes. Je n’ai pas la prétention de lancer une nouvelle théorie du genre, et encore moins de donner des leçons de féminisme. Au fond, à y bien réfléchir, c’est en priorité aux hommes que je m’adresse. Et c’est d’ailleurs essentiellement aussi sur eux que je vais écrire. Je m’adresse à eux en tant qu’homme, à partir de mon propre trouble. Parce que j’ai la conviction que, au-delà du battage médiatique, les femmes sont aujourd’hui plus claires avec elles-mêmes que «nous». Au moins sur ce qu’elles veulent et ce qu’elles ne veulent plus. En revanche, derrière une contenance de façade de plus en plus fragile, mes frères les hommes ont du mal à accepter l’écroulement de leur empire viril, dont le succès planétaire de #MeToo est un indéniable signe annonciateur. Ils ont du mal, j’ai du mal, nous avons du mal à redéfinir nos ambitions d’hommes, nos fantasmes d’hommes, nos comportements d’hommes, nos désirs d’hommes. Bref notre place dans le monde. Notre relation aux femmes. Notre identité. Même si la plupart d’entre nous savent pertinemment que nous ne pouvons pas ne pas changer.
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Dire spontanément "tu es bon" à un garçon est un compliment. Dire à une fille qu'elle est bonne est une insulte. C'est la réduire à une matière à jouir.
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