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Critique de okada


J'aime lire régulièrement des auteurs contemporains. Ma découverte la plus récente est ce court roman envoûtant à l'écriture maîtrisée qui traite de la filiation et de la mémoire.

Un jeune homme mal dans sa peau quitte son pays pour la France ; sa mère l'envoie auprès d'une vague connaissance en espérant inconsciemment qu'il réussisse enfin à grandir. Car la vie de Per a été marquée par la disparition inexpliquée de son père quand il avait 9 ans. Ce père disparu est la pièce manquante qui permettrait à Per de remettre sa vie en route, de bousculer la sorte de névrose d'échec qui l'empêche d'avancer. Per s'est construit dans la solitude et le silence. C'est un taiseux qui ne sait pas réellement s'exprimer. En France, il rencontre un autre taiseux : Ivar. Cet ami de la mère, maître-nageur, l'héberge et devient son professeur de natation. Une sorte de filiation silencieuse s'instaure, venant combler les espaces vides…

Récit initiatique, récit de la mémoire, « Grand Bassin » propose donc une plongée dans les abîmes de l'enfance. Si dans « La Correction », le premier roman d'Élodie LLocar, la mère était une présence sourde mais pesante, cette dernière délègue ici une part de sa responsabilité au père dont l'image enfouie hante la vie du protagoniste.

On pense à un film de la Nouvelle vague qui aurait croisé le monde de Jacques Tati : des personnages un peu loufoques, perdus dans leurs traumatismes, incapables d'exprimer leurs émotions, semblent se retrouver pour qu'un puzzle se reconstitue… Avec une grande économie de moyens, Elodie Llorca dresse les portraits du directeur de la piscine, de Hyacinthe et surtout de sa petite fille qui est un pendant féminin du héros plus jeune, une sorte d'Anima jungienne qui lui prend la main pour l'aider à passer la frontière de l'âge adulte.

L'histoire est ténue, l'essentiel est ailleurs : dans l'exploration méthodique d'images-clés autour desquelles la douleur de l'absence s'est cristallisée. Les courts chapitres naviguent entre l'instant présent et la mémoire sans cesse recomposée. Et au gré des pages, telles des pierres sur le bord de la route, des indices et des surprises infimes mais puissantes nous attendent sagement…

Les descriptions du pays nordique natal du héros sont magnifiques. Ce sont des paysages fantomatiques et fantasmatiques que le héros nous décrit avec nostalgie et poésie. le Norrland se matérialise devant nous, on se prend à rêver à ses étendues neigeuses, à ses grands lacs, aux bosquets de bouleaux et aux troupeaux de rennes. Ces rêveries des grandes étendues, aussi glacées que le coeur du héros en pleine quête d'un père absent, créent un contrepoint parfait avec l'austérité des quatre murs de la piscine la Petite Olympique où travaille Per (devenu Ivar à la mort de son mentor par un étonnant processus d'héritage incontrôlé). Un jeu de miroir entre la glace et l'eau s'établie : le passé gelé fond peu à peu, à mesure que le héros nage pour rejoindre le présent et ses sensations.

La langue d'Élodie Llorca, elle, est ensorcelante : elle glisse sous nos yeux et nous attire à elle. Chaque mot est pesé. Elle évite ainsi toute explication superflue, toute émotion trop forte pour nous imprégner de la personnalité de Per/Ivar. Ce sont les images qui nous guident dans le labyrinthe menant à la résilience.
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